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    12 juillet 2022

    À la lisière de la nuit de Lise Benincà

    À la lisière de la nuit de Lise Benincà

    À la lisière de la nuit de Lise Benincà nous amène à explorer le monde nocturne du point de vue d’une insomniaque. Cette promenade, paradoxe entre le sommeil et l’incapacité à trouver le repos, rappelle la forme de l’ouvrage, entre œuvre romanesque à part entière et essai sur le sommeil et la nuit. Et si nous écoutions la voix d’une narratrice qui ne parvient pas à dormir ?

    Le roman de Lise Benincà en quelques mots

    Ce livre narre une histoire sans véritablement nous transporter dans des aventures. Nous suivons plutôt les pensées d’une narratrice en manque de sommeil, mais qui ne parvient pas à fermer les yeux. Au cours de ses nuits agitées, elle pense, elle réfléchit, elle fuit sa condition qui l’emprisonne dans l’insomnie.

    Et comme la personne qui donne le bâton pour se faire battre, l’insomniaque, privé de sommeil, ne peut s’empêcher d’y penser. Alors, la narratrice nous explique le rapport à la nuit et au sommeil de nombreux auteurs tels que Maupassant, Nerval, Marguerite Duras, Borges, Virginia Woolf et tant d’autres encore.

    Ce faisant, l’auteur nous amène, par le biais de sa narratrice, à réfléchir à notre propre relation au sommeil, au monde du rêve et à notre espace de nuit, c’est-à-dire pour la majorité des Français à la chambre. Dans un dernier effort, la narratrice finie par trouver le sommeil, après maintes réflexions, maints efforts et surtout des débuts de solutions.

    La nuit est une thématique littéraire mais aussi sociale très importante

    Comme nous le disions, ce livre garde en son sein une part de littérature de pensée. L’auteur nous offre une vision élargie de la nuit grâce aux auteurs et autres artistes qu’elle cite. Que la nuit soit étoilée, doucereuse pour les amants accomplis ou bien terrible et source d’angoisse, remplie de monstres à fuir, ce sujet fait toujours fantasmer la plupart d’entre nous.

    D’ailleurs, le sommeil demeure un véritable enjeu social, surtout dans un monde où les somnifères deviennent monnaie courante, voire indispensables pour ceux qui ont l’esprit trop occupé. Beaucoup de choses se jouent la nuit : le repos réparateur, la libération de la pensée, l’apaisement des maux, etc. Alors comment vivre bien en étant privé de ce besoin vital ? Ce livre fera sûrement résonance chez tous les insomniaques et tous ceux qui ont déjà eu des problèmes de sommeil.

    Avec ce roman-essai, Lise Benincà nous rappelle que ce rapport difficile au sommeil n’est pas nouveau. Amplifié peut-être, mieux connu sûrement, mais elle dévoile surtout une thématique littéraire qui a tracassé ou émerveillé nombre de personnes avant nous. À la lisière de la nuit évoque ainsi joliment le fait que chacun a sa façon de vivre ce qui se déroule au sein de la pénombre.

    Une déambulation pour trouver le sommeil

    En ce qui concerne la narratrice, elle amène le lecteur à se promener avec elle dans sa propre gestion de la nuit. Elle nous offre une visite de sa chambre, avec ce lit rectangulaire laissant peu de place à l’imagination, des objets qu’elle possède auprès d’elle, et surtout des chemins qui rythment ses nuits.

    Plus qu’une simple difficulté à s’endormir, elle pousse la fuite jusqu’à l’extérieur, efface les conseils de "rentabilisation" de ces moments sans sommeil et court jusqu’à l’épuisement pour laisser derrière les pensées qui l’obsèdent :

    Il me faut m’extraire de quelque chose, au sens propre comme au sens figuré. Alors, ouvrir la porte pour sortir est le premier geste d’évidence. S’extirper du lieu, chercher plus vaste, respirer.

    Pourtant, notre narratrice semble savoir au moins en partie ce qui la pousse vers l’insomnie puisqu’elle fuit ses propres pensées en réfléchissant à ce qui lui est interdit. Elle cherche le repos du corps et de l’esprit par un autre moyen : le yoga, mais cela ne suffit pas toujours.

    Alors, en attendant d’être capable d’affronter ses démons nocturnes, elle se satisfait de cet état second, qui lui apporte tout de même de beaux moments de réconforts et d’émerveillement, puis tombe dans le sommeil auprès de cet homme qui rêve depuis bien longtemps déjà, tout comme les enfants qui subliment probablement leurs rêves avec des images de féeries, dignes de l’imaginaire de nos très chers petits.

    À la lisière de la nuit : un roman, un essai, une quête, une initiation

    Si Lise Benincà nous initie à un univers peu connu : la ville au cœur de la nuit, souvent trop effrayant car il s’agit des "mauvaises heures", elle nous offre également le panorama d’un public insoupçonné : les artistes peintres qui préparent leurs graffitis, un homme promenant son chien, ceux qui se perdent dans leur écran, etc. Elle décrit également le paysage d’une forêt en pleine nuit, lieu le plus mystique et effrayant de tous, avec ses cris de chouettes, ses feuilles qui bruissent, ses branches qui craquent.

    Il s’agit également pleinement d’une fiction, d’un roman puisque la narratrice raconte sa déambulation. Elle nous guide à travers son histoire vers des lieux écrits, repensés. Toutefois, la longue liste d’auteurs invoqués fait de ce livre un hybride avec l’essai. Ainsi, chacun est libre d’adhérer à telle ou telle vision de la nuit, selon ses affinités avec les auteurs ou son propre vécu, mais il ne peut se contenter d’une seule perception : on ouvre au lecteur ses œillères closes pour la nuit.

    Ce roman-essai constitue donc fondamentalement une quête. Quête d’un sommeil apaisé, de réponse à ses questionnements, d’accès à un autre monde. Il s’agit également d’une recherche autour de la nuit, de la façon dont on la vit, de cette "petite mort" qui effraie, répare, passionne et autorise l’ouverture totale du monde de l’imagination. C’est une quête du soi perturbé, pour l’apaiser et trouver le repos.

    Citations

    L’insomnie n’est pas un éveil choisi. Elle n’est pas une volonté de profiter de la nuit. L’insomnie ne donne aucune envie de boire des bières, accoudée à un bar, en accueillant les rencontres d’un soir. Elle provoque un amer retrait en soi-même, un acharnement hargneux dans le rejet, une expulsion de la bienveillance.
    Alors, d’où vient cette incapacité à s’endormir ? L’insomniaque est-il crispé à l’idée de partir en voyage ? Refuse-t-il de s’abstraire du monde, au contraire de « L’homme qui dort » de Perec qui refuse d’y participer ? Est-il pris d’une inquiétude qui remonte à la nuit des temps, reflet de l’époque préhistorique où l’obscurité devenait le lieu de tous les dangers ?
    De l’influence de la nuit sur le jour, tel pourrait être le titre de cet épisode. N’est-il pas d’usage, lorsque l’on est plusieurs à dormir sous un même toit, de se demander au matin si chacun à bien dormi ? C’est que l’on sait, instinctivement, que de la qualité de la nuit va dépendre la qualité de la journée.

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    A la recherche du temps perdu de Proust - Culture Livresque
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