À la recherche du temps perdu de Marcel Proust
Le légendaire A la recherche du temps perdu est composé de sept volumes écrits par Marcel Proust. Il s’agit d’une œuvre littéraire canonique que nous connaissons tous de nom sans pour autant avoir une connaissance précise de ce travail d’une vie. C’est pourquoi, Culture Livresque vous propose aujourd’hui un petit aperçu de la composition de l’œuvre, du style de Marcel Proust et de la quête poursuivie par l’auteur au cours de l’écriture de ce chef-d’œuvre de la littérature du XXe siècle.
Comprendre le cycle de la recherche du temps perdu
La recherche du temps perdu est donc une œuvre composée de sept volumes ainsi décomposés :
- Du côté de chez Swann écrit en 1913 ;
- À l’ombre des jeunes filles en fleur datant de 1919 ;
- Le côté de Guermantes (1920) ;
- Sodome et Gomorrhe publié un an plus tard ;
- La prisonnière (1925) ;
- Albertine disparue (ou la fugitive) datant de 1927 ;
- et enfin : Le temps retrouvé publié en 1927 également.
Dans cette œuvre, le narrateur ressemble à l’auteur : il veut devenir écrivain. Celui-ci se présente en train de se réveiller, dans son lit, en se souvenant du passé. Il pense avoir perdu son temps, l’avoir gâché en ne devenant pas artiste. Ce qui l’amène à le penser, c’est sa longue maladie qui l’a poussé à rester couché et qui aurait dû l’amener à écrire. De fil en aiguille, au fur et à mesure que les tomes passent, le narrateur comprend qu’il rattrape le temps perdu en écrivant sa vie perdue.
Une recherche de soi tendant à l’autobiographie ?
Des similitudes entre l'auteur et les personnages
Il faut savoir que cette œuvre est très proche de la vie de Proust. En effet, Proust s’est souvent trouvé alité à cause de ses maladies et notamment de son asthme. Le narrateur est ainsi une sorte de reflet de l’auteur. D’ailleurs, le narrateur est régulièrement nommé Marcel, ce qui laisse la place à penser que le personnage n’est pas dénué du caractère de Proust.
D’ailleurs, tous les personnages lui ressemblent un peu, notamment les personnages de Swann et de Charlus. Comme Swann par exemple, il se rend souvent aux soirées mondaines et Proust n’hésite pas à s’inspirer des gens qu’il rencontre pour écrire son œuvre. Il a d’ailleurs rencontré son ami Renaldo Hahn au cours de l’une des soirées à laquelle il s’est rendu et cet homme lui a fait découvrir la musique, thématique à laquelle il va se sensibiliser et qu’il transmet dans son œuvre.
Une œuvre marquée par le signe de l'autobiographie et de la fiction
Toutefois, Marcel Proust refuse d’être associé à ses personnages autrement que comme créateur. En effet, il explique ceci :
tous mes personnages, toutes les circonstances sont inventées dans un but de signification. Je n’ai jamais entendu raconter l’histoire de Swann.
Alors, s’il s’agit d’un récit à caractère autobiographique, il s’agit plutôt d’une autobiographie fictive, réinventée selon les désirs de l’auteur. Un second propos semble aller dans ce sens :
Un livre est le produit d'un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vies. Ce moi-là, si nous voulons essayer de le comprendre, c'est au fond de nous-même en essayant de le recréer en nous que nous pouvons y parvenir.
Il retrouve ainsi le temps perdu en réécrivant sa propre histoire comme il aurait pu la vivre.
Un style Proustien bien particulier
De longues phrases pour ne rien oublier de ses pensées
Le style littéraire de cet auteur est bien connu dans le monde littéraire. En effet, qui n’a le reproche d’écrire des phrases proustiennes ? En tout cas, peu sont ceux qui peuvent se vanter de manier aussi bien les différents signes de ponctuation afin que la longueur des phrases ne soit pas un frein à la compréhension globale du récit. Cette caractéristique très particulière de Proust n’est pas dénuée de sens. En effet, la longueur des phrases accompagne les hésitations de la pensée en absorbant tout ce qui traverse l’esprit de l’auteur et surtout du narrateur.
C’est comme si le narrateur retranscrivait presque au mot à mot ce qui traverse son esprit, avec le peu de pauses que cela amène. D’ailleurs, Proust expliquait ceci à propos de la longueur de ses phrases :
mais je suis bien obligé de tisser ces longues soies comme je les file et si j’abrégeai mes phrases cela ferait des petits morceaux de phrase, pas des phrases.
C’est également un moyen de capter le vrai et de ne rien oublier, de ressaisir le passé. C’est un retour dans ce qui a été vécu traduit en longues phrases sensibles. D’ailleurs, c’est toujours l’émotion qui l’emporte sur la description, ce qui est innovant par rapport aux autres romans (on pense notamment aux œuvres de Balzac ou de Stendhal…).
Un auteur aux images subjectives
Ce qui caractérise également le style de Proust est sa subjectivité. Il ne souhaite pas décrire le monde tel qu’il est puisque cela apporte peu à l’œuvre selon lui. Il préfère exploiter les sensations, les pensées et amener le lecteur à interpréter le temps qui passe selon des indications très personnelles au narrateur. Définitivement, contre tous les avis réalistes, il ne recherche pas l’objectivité du décor et de l’histoire qui ne peuvent qu’être soumis à la perception du sujet.
Pour transmettre son monde sensoriel, il exploite les métaphores et les comparaisons. Le système d’image est très important pour lui. Cela permet de capter l’attention du lecteur en lui transmettant une pensée mentale de ce qui ne peut pas toujours être transmis avec de simples mots. Qui plus est, qu’y a-t-il de plus personnel qu’une association d’idées pour former une image dans l’esprit de l’autre, du lecteur ? Il ne reste plus au lecteur qu’à laisser la place à Proust dans son esprit pour faire naître une nouvelle façon de penser saturée d’image et d’arts divers et variés.
Le temps dans la Recherche du temps perdu
Comprendre la notion du temps selon Proust
Selon Proust, le temps est une notion affective. Sa conception de la temporalité se rapproche de celle de Bergson qui sépare, dans Matière et mémoire le temps social du temps personnel, le premier était celui qui est régulé par les aiguilles des l’horloge et le second tel qu’il est vécu. Pour Proust, le seul temps qui compte est celui que l’on ressent.
Cela explique en partie pourquoi la temporalité est tellement masquée dans l’œuvre de cet auteur : il ne tient pas à ce qu’on soit capable de retracer les moindres moments de la journée ou de la vie d’un personnage, simplement que nous vivions le temps au même rythme que lui. Il offre peu de dates aux lecteurs et chaque repère est en réalité plutôt un passage dans la vie du personnage. La plupart du temps, il exprime la temporalité à travers l’expression « ce jour-là », et décrit l’évolution du temps à travers les paysages et leurs transformations.
Un temps passé qui en dit long sur le futur...
D’ailleurs, la notion de temps qui passe ne questionne pas que le passé. En effet, la recherche du temps perdu est aussi une quête du temps futur, celui qui est rattrapé pour vivre plus sereinement le lendemain. En effet, le narrateur de La Recherche tente de comprendre comment il a acquis sa compréhension du monde et en se tournant vers cela, il se promet de meilleures analyses pour le futur.
La Recherche se présente également comme un questionnement sur l’essence même du temps. Il se demande comment le passé et le présent se mélangent afin de créer cet instant présent jamais tout à fait vécu à l’instant même. C’est donc un roman qui se tourne vers le passé, certes, mais aussi sur le présent et le futur en s’axant sur l’apprentissage et à la lecture du futur. Qui plus est, penser au passé c’est une façon de le revivre avec le recul présent, ce qui montre également que le temps n’est jamais tout à fait révolu…
- Marcel PROUST, Du côté de chez Swann, Gallimard, 1988
- Marcel PROUST, Un amour de Swann, Gallimard, 2018