L'auteur Joseph Ponthus est mort d'un cancer
Joseph Ponthus que nous venions de découvrir, en 2019, vient de mourir d'un cancer. Cet auteur récompensé pour son roman bouleversant A la ligne, vient de nous quitter après un dur combat contre la maladie. Un hommage semblait nécessaire pour cet auteur qui a marqué nos cœurs. À l'âge de 42 ans, il nous quitte ce mercredi 24 février 2021.
Perdre pied en même temps que son travail
L'usine bouleverse mon corps
Mes certitudes
Ce que je croyais savoir du travail et du repos
De la fatigue
De la joie
De l'humanité
Dans cette triste nouvelle s'annonce tout de même une belle réalisation. En effet, si Joseph Ponthus, amoureux des lettres, voulait percer dans le monde de la littérature, il y est au moins parvenu. Son très bon roman A la ligne, qui est en même temps un recueil et un feuillet d'usine, a montré un homme résolu, puissant et rêveur.
Il est venu en Bretagne pour se marier et il perd ses repères en recherchant un emploi. C'est alors une double vie, celle du jour à l'usine alors qu'il fait encore à moitié nuit, et celle du soir où il écrit. Mais il ne s'est pas laissé abattre. Son diplôme, qui le surqualifiait dans chaque poste, ne l'empêche pas de mettre la main dans la viande morte. Et il le fait sans prétention.
S'il est mort d'un cancer, c'est après s'être battu. C'est après avoir marqué la communauté littéraire et avoir accompli une belle œuvre qui tient en quelques pages. Si les lecteurs se réjouissaient comme moi à l'idée de découvrir encore des textes de lui, ils pourront au moins se consoler d'avoir connu une grande plume au cœur modeste.
Créer à partir du concret une œuvre littéraire marquante
Son livre retraçait d'ailleurs une partie de son histoire. Il raconte comment, d'éducateur spécialisé, il déménage en Bretagne et ne trouve plus d'emploi. Il traverse alors une longue période de chômage puis prend la route de l'usine. Lui qui rêve de mot se voit confronté à la difficulté du métier, à la mort et aux carcasses. Alors, les mots qu'il connaît, ceux de ses auteurs préférés, traversent son histoire et l'aide à passer les journées. Parmi ces grands auteurs, on trouve Cendrars, Apollinaire, Céline, Dumas ou encore Miron.
Mais il ne s'arrête pas à une reprise de mots. Ils sont amplifiés, recréés, appliqués à un contexte différent. Il crée aussi : son œuvre parle d'elle-même. L'écriture, pour lui, c'était la vie, c'était un moment de répit mais aussi de fatigue après le travail. Rien ne pouvait être remis au lendemain, mais sous sa plume, les mots prennent forme, la poésie se crée sous sa forme morcelée.
Morcelé comme le travail
à la chaîne, dans la crasse
avec la fatigue qui tenaille et les tripes à tenir en soi
c'est le matin, le soir, même à midi
décortiquer les crevettes, mettre en boîte
remplir les quotas, aider les copains
allez fumer sa clope, voir le jour, mais ne pas traîner
faire passer les heures, en chantant
toujours chanter, ça fait passer le temps, on arrête de réfléchir.
La fin de la journée annonce l'arrivée de la suivante
dormir se réveiller travailler retourner dormir
et parfois sortir le chien qui mâchouille joyeusement son os.
Voilà, Joseph Ponthus est la voix des ouvriers, une voix poétique et sensible bien que fatiguée. C'est celui qui rappelle la pénibilité d'un travail à l'usine, à la chaîne. Il a marqué ses amis et un grand nombre de lecteurs. En réussissant ce pari, il a rendu honneur à ses collègues, sans prétention.
Une mort qui rappelle le talent d'un artiste, mais aussi la parution d'adaptations
Si Joseph Ponthus a fait une entrée fracassante dans le monde de la littérature, c'est pour y rester de bon droit. Beaucoup de très grands écrivains n'ont été les auteurs que d'un seul ouvrage, mais quel ouvrage ! Alors, n'oublions pas trop vite à quel point cet auteur a fait frémir chacun d'entre nous.
Et pour prolonger un peu le plaisir qu'il nous a offert, on peut toujours regarder la mise en concert de son roman, ou bien attendre encore quelque temps. En effet, une adaptation en bande dessinée de son roman ainsi qu'un film sont prévus. S'il est difficile de mettre autrement en mots la langue poétique et le style si particulier de cet auteur, cela donnera tout de même envie aux lecteurs de se replonger dans ce petit livre poétique, écrit comme un traité en l'honneur de la vie et des combats rudement menés.