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    2 mai 2023

    Etude chapitre 18 de Candide

    Etude chapitre 18 de Candide

    Le chapitre 18 de Candide se situe approximativement à la moitié de l’œuvre de Voltaire. Il s’insère après une longue série de péripéties malheureuses. Ainsi, la découverte de l’Eldorado, "el pais dorado" ou le pays de l’eau dorée sonne comme une pause dans le récit. Il convient alors d’analyser la raison pour laquelle Voltaire place un pays utopique au centre de son récit et non pas à la fin comme pourrait le laisser penser l’aspect idyllique du lieu.

    Les questions que tu peux te poser :

    • En quoi ce passage est-il un moment clé dans l’œuvre ?
    • En quoi peut-on dire que l’Eldorado est une utopie ?
    • Quelles sont les caractéristiques de la société présentée dans ce chapitre ?

    Lire l'extrait :

    Extrait du chapitre 18 du conte Candide de Voltaire
    Le chapitre 18 de Candide se situe approximativement à la moitié du roman. L’action se déroule dans la cité d’Eldorado, idéale sur plus d’un point. Voltaire en profite pour…

    Introduction pour une étude du chapitre 18 de Candide

    • Voltaire entre dans la postérité grâce à ses contes et à son rôle d’encyclopédiste.
    • Son ironie fait de lui un maître du genre.
    • Il n’aura de cesse de dénoncer les travers de la société.
    • L’un de ses contes philosophiques écrit en 1759, Candide, reste particulier au regard du parcours de Voltaire.
    • Ce conte explore l’histoire du jeune Candide, extrait d’un paradis terrestre, le château des Thunder-Ten-Tronckh, et qui se retrouve face à la réalité du monde.
    • Il découvre alors les guerres, l’esclavage, la violence et les injustices du monde.

    Le chapitre que nous allons étudier se trouve à la moitié du conte, il révèle un pays idéalisé, mais imaginaire à l’image d’une utopie. Cela nous amène à nous questionner sur l’importance de ce passage dans l’œuvre proposée par Voltaire. Nous verrons dans un premier temps que l’auteur nous dresse la description d’un monde merveilleux et exotique, ce qui nous amène ensuite à constater qu’il s’agit bien d’une utopie. Enfin, nous chercherons à comprendre quel est l’intérêt de placer une utopie au centre de l’ouvrage et non pas à la fin.

    Premièrement, Voltaire propose la description d’un monde merveilleux et exotique

    Cela se perçoit à travers la description du pays que visitent Cacambo et Candide. Le narrateur montre tour à tour l’aspect merveilleux, exotique et l’abondance dont bénéficie le lieu en question.

    Voltaire propose à son lecteur de découvrir un univers merveilleux

    • Dans ce pays, tout est grand, des hommes jusqu’aux bâtiments : "grand officier", "édifices publics élevés jusqu'aux nues", "grandes places", "galerie de deux mille pas", etc.
    • Nous sentons également une atmosphère particulière dans cet extrait, presque féérique : on parle de "supériorité prodigieuse", de "tissu de duvet de colibri", de "fontaines d'eau pure", etc.

    Une ville pleine d’exotisme qui sort les personnages de leurs habitudes

    • Le décor sort également de ce que connaissent Candide et Cacambo qui semblent admiratifs face au paysage.
    • Ils se retrouvent également dans l’incapacité de nommer avec exactitude ce qu’ils voient, ce qui s’oppose avec l’art de la description assez détaillée dans d’autres scènes de Candide : "il est impossible d'exprimer quelle en était la matière", "pavées d'une espèce de pierreries", etc.
    • Ils deviennent également maladroits et se comportent comme des enfants qui découvrent un lieu extraordinaire.

    Le pays qu’ils visitent est un lieu d’abondance

    • Impossible de passer à côté : le narrateur ne peut s’empêcher de montrer la profusion par l’emploi des grands nombres : "vingt belles filles", "deux files, chacune de mille musiciens", "mille colonnes", etc.
    • L’accumulation des énumérations et des matières rares ("or", "pierreries", répétitions du mot "fontaine", etc.) valorise la richesse et le luxe du lieu.
    • D’ailleurs, "mille" montre cette opulence tout en rendant la grandeur de la ville plus difficile à se représenter pour le lecteur (car c’est un gros chiffre et parce que cela fait "beaucoup" pour une ville).

    Présentation d’une utopie à travers le pays d’Eldorado

    À la façon dont le monde est décrit, Voltaire semble nous proposer la présentation d’un monde utopique à travers le pays d’Eldorado. Cela se constate également dans la façon dont le pays fonctionne.

    Pourquoi Eldorado est-elle une utopie ?

    • D’abord, Eldorado est une utopie puisqu’il correspond aux critères esthétiques du genre créé par Thomas More au XVIe siècle.
    • En effet, Voltaire propose un pays imaginaire parfait et merveilleux. La description est renforcée par le nom donné au pays, Eldorado, qui rappelle le pays mythique de l’Amérique du Sud où l’on pense que les Incas se sont cachés.
    • Enfin, nous pouvons noter que "utopie" vient de eu-topos : monde où tout est parfait ; et de ou-topos : monde qui n’existe pas.
    • Voyons plus en détail les caractéristiques de l’utopie de Voltaire :

    Les caractéristiques sociales propres à ce monde idéal

    • L’auteur propose un certain nombre d’hyperboles et de superlatifs présentant Eldorado comme un monde de perfection : "Jamais on ne fit meilleure chère, et jamais on n'eut plus d'esprit à souper qu'en eut Sa Majesté", etc.
    • Le pays présenté est une monarchie libérale, ce qui signifie que la population bénéficie d’une liberté de pensée religieuse, politique et philosophique.
    • D’ailleurs, le narrateur appuie sur l’inutilité des institutions répressives comme les prisons, la police, les tribunaux, etc. : "Candide demanda à voir la cour de justice, le parlement ; on lui dit qu'il n'y en avait point, et qu'on ne plaidait jamais. Il s'informa s'il y avait des prisons, et on lui dit que non.". Cela laisse penser que le mal n’a jamais franchi les portes du pays.

    Le bonheur des citoyens passe par la culture, l’éducation et la civilisation

    • Enfin, le bonheur de la société semble passer par l’urbanisation de la ville. Celle-ci se pare d’édifices tels que les marchés, les grandes places, les fontaines auxquelles on peut se désaltérer, etc. Tout l’agencement de la ville est pensé pour le plaisir et la praticité des utilisateurs.
    • Qui plus est, à part le roi, personne ne semble dominer l’ensemble de la société. Les classes sociales n’existent pas.
    • La ville semble également donner une importance considérable au monde de la culture et à l’éducation ("le palais des sciences, dans lequel il vit une galerie de deux mille pas, toute pleine d'instruments de mathématique et de physique."), ce qui en fait un lieu idéal où l’épanouissement paraît être la priorité.

    Cette utopie comporte une fonction critique

    Enfin, si ce monde est si idyllique, nous pouvons nous demander quel est l’intérêt de le situer au milieu de l’ouvrage et non pas à la fin, comme récompense du cheminement de Candide. Avec quelques indices, il est facile de comprendre que l’utopie a pour rôle de critiquer la société de Voltaire et n’est pas un but en soi, puisqu’il s’agit d’un "non-lieu".

    Le premier indice permettant de comprendre le rôle de l’utopie est la distance de l’auteur

    • L’auteur semble prendre une certaine distance avec cette utopie, déjà puisqu’elle ne se situe pas à la fin du livre et parce que tous les personnages importants (ex. : Cunégonde et Pangloss) n’y ont pas accès. Cela laisse penser que l’utopie n’est pas l’idéal recherché.
    • Ensuite, toute cette surenchère des détails merveilleux et exotiques amène à nous rappeler que ce monde n’existe pas. Il nous incite ainsi à exercer notre œil critique pour lire entre les lignes.
    • Enfin, le comique de situation et le comportement de Candide et de Cacambo montrent qu’ils ne se comportent pas comme il est attendu d’eux. Ils oublient ce qu’ils ont appris et agissent comme des enfants : "Candide et Cacambo sautèrent au cou de Sa Majesté" ; Cacambo pose également des questions illogiques et grotesques : "Cacambo demanda à un grand officier comment il fallait s'y prendre pour saluer Sa Majesté ; si on se jetait à genoux ou ventre à terre ; si on mettait les mains sur la tête ou sur le derrière ; si on léchait la poussière de la salle".

    La critique sous-jacente des sociétés européennes

    • Nous comprenons ainsi très vite que le texte emploie l’ironie pour montrer l’incohérence entre le comportement des personnages et le monde qu’ils intègrent.
    • Une fois notre discernement réveillé, nous pouvons analyser plus précisément la critique sous-jacente de la société européenne à travers l’utopie.
    • D’abord, le fait que l’Eldorado déploie une monarchie libérale qui s’appuie sur la liberté collective permet de critique la monarchie absolue en place au siècle de Voltaire. Il dénonce par ce biais les abus de pouvoir du roi et de ses institutions.
    • D’ailleurs, les institutions juridiques et l’Inquisition (critiquée à plusieurs reprises) font aussi l’objet de la critique voltairienne. En effet, dans le monde idéal pensé par l’auteur, ces lieux de justices n’existent pas, car chacun s’emploie à vivre au mieux avec son prochain.

    Enfin, Voltaire utilise l’Utopie pour faire passer les valeurs des Lumières

    • Bien sûr, nous constatons que Voltaire ne tient pas seulement à faire une critique de la société. Il décide également de faire passer des messages sur les valeurs du siècle des Lumières.
    • Pour cela, il prouve que dans un monde idéal, la culture et l’éducation jouent un rôle important, c’est par cette élévation de l’âme que l’homme peut prétendre être meilleur.
    • Ensuite, il n’hésite pas à expliquer qu’une société idéale est urbaine et civilisée. Il s’oppose ainsi à Diderot et Rousseau qui explorent le mythe du bon sauvage pour décrire l’homme dans sa perfection.

    Conclusion sur le chapitre 18 de Candide

    Finalement, si Voltaire nous présente un pays utopique avec ce chapitre, nous constatons que ce système n’est pas applicable à ce moment de l’histoire. Ce pays reste une utopie, un non-lieu idéalisé et inaccessible, dans lequel certains personnages manquent pour être complets. Le chapitre profite donc au lecteur en lui proposant une pause dans les aventures désastreuses de Candide, lui permettant de souffler et d’apprendre d’un système idéal.

    Voltaire nous amène ainsi à réfléchir sur la société de l’époque. En effet, l’utilisation de l’utopie en milieu de récit permet de faire la critique d’une monarchie absolue qu’il juge abusive dans sa façon de diriger. Voltaire tend toutefois également à donner des éléments d’analyse à ses personnages pour la suite de l’ouvrage. En effet, il leur transmet également certaines valeurs du siècle des Lumières comme l’importance de la culture et de l’éducation, de la bonté et de la générosité, ce qui devra les aider dans leur quête.

    La construction de ce chapitre semble ainsi marquer l’ensemble de l’ouvrage pour une autre raison également. En effet, il est le deuxième lieu important du livre. Si le premier, le château des Thunder-Ten-Tronckh représentait le paradis originel, Eldorado symbolise une place idéale qui n’est pas réelle et satisfaisante (trop de richesse, il manque des personnages et ne résout pas la quête des protagonistes). Le dernier site, la petite ferme, sera celui de du bonheur final, à portée de mains et cultivé par celles-ci.

    // lastname: Voltaire // firstname: // title: Candide ou l'optimisme