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    Petite histoire du livre (en Europe)

    Petite histoire du livre (en Europe)

    Revenons aux fondements mêmes de notre sujet de prédilections sur ce blog : le livre. Qu'est-ce que c'est ? Quelle est son histoire ? Comment a-t-il évolué ? Voici une petite chronologie du livre, des philosophes barbus grecs au dernier best-seller de Stephen King disponible en e-book !

    Tout d’abord, qu’est-ce qu’un livre ?

    Un livre peut être défini comme un assemblage de feuilles sur lesquelles sont inscrits des signes destinés à être lus. Il en existe de toutes tailles, avec ou sans illustrations, voire avec ou sans texte, avec ou sans couverture, etc. Mais aujourd’hui, cette définition rencontre un obstacle : le numérique. Si l’on s’en tient à la définition « assemblage de feuilles », tout texte numérique ne peut alors pas être considéré comme un livre. C’est pour cela que les anglophones parlent d’e-book, traduit par « livre numérique » en français. Un livre serait alors un ensemble généralement de textes avec une certaine unité thématique qu’il soit papier ou numérique.

    Les origines antiques du livre

    Avant d'être l'objet que nous connaissons aujourd'hui, le livre a eu plusieurs formes et a été constitué de matériaux divers et variés. Revenir sur les différentes compositions des livres pour définir ses origines antiques semble donc un bon démarrage.

    Cire, papyrus et parchemin

    La toute première forme de livre identifiée par les archéologues est la tablette de cire. Puis la civilisation égyptienne s'est mise à fabriquer du papyrus. Ce matériau permet d’avoir une surface d’écriture plus grande, un meilleur rangement et un déplacement simplifié. En assemblant les feuilles les unes aux autres, on obtient un rouleau nommé "volumen". Pour le lire (dans le sens de lecture occidental), il faut à la fois enrouler la partie de droite et dérouler celle de gauche. Cependant, le papyrus reste assez fragile et ne permet pas une écriture sur les deux faces. C’est pourquoi le parchemin, du cuir animal traité, fait son apparition. Plus résistant, pouvant être fabriqué partout et permettant une écriture recto verso, il s’impose rapidement.

    Les Romains utilisaient déjà un objet appelé « codex », l’ancêtre du livre moderne. Il s’agissait d’un assemblage de planches de bois, puis de papyrus, sous la forme d’un cahier. C’est cette technique d’assemblage qui est par la suite conservée, notamment grâce à l’apparition du papyrus et du parchemin qui permettent une maniabilité plus grande. Des plaques de bois sont ajoutées autour des feuilles pour les protéger.

    Grâce à l’adoption du codex et de la facilité de fabrication du parchemin et du papyrus, les livres se diffusent plus simplement (mais seulement dans le cadre d’une toute petite élite sachant lire et ayant les moyens de se procurer de tels objets). Le grand format des pages permet en outre de rédiger des commentaires dans les marges et donc invite à l’analyse du texte. Enfin, se repérer au sein d’un codex est bien plus pratique (on peut y mettre un marque-page par exemple) qu’au sein d’un volumen qu’il faut enrouler et dérouler entièrement pour retrouver un passage précis.

    Bibliothèques antiques et transmission des livres

    L’Antiquité a vu la naissance de plusieurs immenses bibliothèques dont l’ambition était de conserver tout le savoir du monde : la bibliothèque d’Assurbanipal à Ninive (IIIe millénaire avant J.-C.), celle de Ramsès II (XIIe siècle avant J.-C.), la fameuse bibliothèque d’Alexandrie par Ptolémée Ier (début du IIIe avant J.-C.), pour ne citer que les plus iconiques.

    Cependant, qu’il s’agisse de tablette, papyrus ou parchemin, les textes antiques ne nous sont parvenus qu’en très petits nombres, et ce pour plusieurs raisons : la fragilité des matériaux, l’absence de notion de propriété intellectuelle qui ne pouvait donc pas protéger les textes de modification, les erreurs des copistes, la destruction volontaire des livres.

    Le livre médiéval

    Le codex s’est imposé dans toute l’Europe. Objet de prestige, pouvant aller d’un simple cahier avec une couverture en cuir à un encombrant manuscrit décoré d’or et de pierres précieuses, le codex médiéval est surtout présent dans des lieux religieux.

    Abbayes et monastères

    Le début du Moyen-Âge est rythmé par les invasions barbares. Il est alors impératif de mettre en sécurité les précieux codex. Les abbayes et les monastères sont les lieux privilégiés pour cette mission. Quasiment toutes ses structures possèdent une bibliothèque et un atelier de copistes, un scriptorium. Ici, les moines copient à la main différents textes (Bible, vies de Saints et Saintes, textes scientifiques antiques, romans courtois) et s’appliquent à la décoration des manuscrits avec de magnifiques enluminures.

    La naissance de l’université

    Le XIIe marque un tournant dans l’histoire de l’enseignement. Les premières universités voient le jour en Europe : la Sorbonne à Paris, Toulouse, Montpellier ou encore Oxford outre-Manche. Pour enseigner, il faut un support contenant les connaissances. Des ateliers de copistes, de relieurs, de vendeurs tenus par des artisans civils apparaissent aux abords des universités. Cette implantation au cœur des centres urbains pousse les bourgeois à se procurer des codex et développe l’ancêtre de la librairie en proposant des livres plus divertissants (poèmes et romans).

    De plus, la fin du Moyen-Âge voit l’invention d’un nouveau matériau qui va révolutionner le monde du livre : le papier. Technique importée d’Italie, la fabrication de ce support est moins coûteuse que celle du parchemin, et la maniabilité du papier plus importante encore que celle du cuir traité.

    La Renaissance du livre : la découverte de l’imprimerie en Europe

    Le livre se diffuse de plus en plus grâce à la multiplication des ateliers en ville, à l’élargissement du public et l’arrivée du papier qui réduit les coûts. Mais une autre invention va révolutionner le monde du livre : l’imprimerie.

    Xylographie et Gutenberg

    L’imprimerie a été découverte bien avant le XVe siècle. Cinq siècles plus tôt, la Chine utilisait la technique de la xylographie pour reproduire des motifs sur des tissus. En l’adaptant au papier, sous la forme de tampon de bois gravés, la civilisation chinoise a posé les bases de l’imprimerie.

    En 1455, Gutenberg améliore grandement la technique en combinant plusieurs choses : une presse à bras permettant d’imprimer des pages entières en une seule fois, des caractères mobiles et une encre ni trop fluide, ni trop épaisse. La première impression digne de ce nom est celle de la Bible, aujourd’hui appelée Bible de Gutenberg. Cependant, la mise en page copie celle des versions manuscrites et fournies un texte très peu aéré, perdu au milieu de la page et finalement assez peu lisible.

    Protestantisme et Humanisme

    Les différentes guerres de religion en Europe à la Renaissance occasionnent de nombreux mouvements de population, et par extension de savoir-faire. À la fin du XVe siècle, l’Europe compte plus de 250 villes avec au moins un atelier d’imprimerie. Cette diffusion technique est à mettre en parallèle avec le mouvement intellectuel humaniste qui prônait la circulation des connaissances.

    François Ier décide alors de créer une institution qui existe encore : le dépôt légal de la Librairie Royale, connu aujourd’hui sous le nom de Bibliothèque nationale de France. Chaque livre imprimé devait avoir une copie conservée au dépôt légal, et il en est de même aujourd’hui. Les critères ont même été élargis : traductions étrangères d’œuvres françaises, affiches, photographies, etc. Des organismes comme le Centre National du Cinéma et de l’Image Animée possèdent leur propre dépôt légal. Et Internet n’échappe pas à cette disposition : tous les ans, une partie du web est sauvegardée pour conserver en mémoire son état. Le dépôt légal sous François Ier permettait également de garder le contrôle sur les livres édités en faisant jouer une forme de censure. Un privilège royal était nécessaire pour pouvoir publier un livre – même s’il faut noter que ce privilège a été créé d’abord pour différencier les librairies qui avaient l’autorisation de publier des contrefaçons plagiant la mise en page.

    1789 et XIXe siècle : la libération du livre

    Sous l’impulsion des Lumières, la France connaît sa grande Révolution qui sonne la fin de la monarchie. Le livre, l’édition et le journalisme profitent de cette nouvelle liberté pour diffuser toujours plus d’ouvrages et de journaux de pensée, propagandes, etc.

    Le grand Inventaire révolutionnaire

    Avec la Révolution, les biens de beaucoup de nobles sont confisqués et versés dans les collections nationales. Les bibliothèques des abbayes et des monastères connaissent le même sort. Les livres sont apportés à la Bibliothèque nationale de France pour enrichir les collections. Un vaste chantier d’inventaire est entamé pour dresser la liste des ouvrages dont dispose la France, mais aussi des bâtiments devenus nationaux, des collections d’œuvres d’art, du mobilier, etc. Nous pouvons cependant déplorer la destruction d’une part importante de biens (livres comme monuments) qui étaient sans intérêt ou trop imprégnés du souvenir de la royauté aux yeux de certains révolutionnaires, la disparition par le vol ou la perte des biens, ou encore leur dégradation dans des lieux de stockage inadaptés.

    La révolution industrielle et la naissance du maléfique éditeur

    L’instruction de la population se généralisant, la lecture se répand et entraîne l’augmentation de la production de livres. Les grandes avancées techniques développent la fabrication mécanique et à grande échelle du papier, faisant ainsi chuter le coût de production. Des machines à vapeur accélèrent le rythme de presse et permettent une impression recto verso.

    La disparition des mécènes liés à l’époque monarchique laisse la place à un tout nouveau personnage : l’éditeur. Personne de pouvoir indispensable et incontournable, il fait le lien entre les auteurs et les ateliers d’impression. Même si son savoir et son pouvoir de publicité sont reconnus par les auteurs, on ne compte plus les lettres relatant les disputes entre l’éditeur négociant, usurier, banquier et l’auteur artiste, rêveur, génie incompris. Ainsi, le XIXe a vu la naissance de grandes maisons d’édition monopolisant le marché encore aujourd’hui : Armand Colin, Hachette, Larousse, Belin, Nathan, Hatier, Dalloz, Charpentier, etc. La place primordiale de l’éditeur se retrouve encore aujourd’hui : signer chez Gallimard ou Flammarion donne un réel statut d’auteur à une personne souhaitant livrer son ouvrage au public. La maison d’édition est aujourd’hui une marque de qualité ou de militantisme.

    Le XXe siècle : l’avènement de la lecture publique

    Le livre a continué de se développer, de toucher de plus en plus de monde et de domaines au cours du XXe siècle. De nouveaux formats comme le livre de poche ont notamment permis d'étendre l'usage du livre à un plus large public et d'une nouvelle manière.

    Le diabolique livre de poche

    Les années 1930 sont marquées par l’apparition d’un nouveau format d’impression : le livre de poche. Il est généralement la réédition en qualité plus faible et moins coûteuse d’un livre paru en grand format. Révolution pour certains, car le livre devenait accessible à tous, ce format de poche était l’annonce de la fin de la littérature pour d’autres.

    La lecture publique : une affaire politique et culturelle

    Le XXe siècle est surtout synonyme de « lecture publique ». Les différents gouvernements se sont plus ou moins penchés sur la question de rendre accessible à tous la lecture, élément essentiel d’émancipation intellectuelle et de plaisir. Nous pouvons par exemple noter que les années 70-80 sont celles du développement du réseau des bibliothèques publiques en France. Les écoles sont systématiquement dotées de petites bibliothèques pour les primaires ou des CDI pour les collèges et les lycées.

    Le ministre de la Culture, Jack Lang, fait voter en 1981 une loi sur le prix des livres : peu importe où le livre est acheté, son prix sera partout le même (en grandes surfaces alimentaires, en grandes surfaces spécialisées, en librairies indépendantes, sur Internet, etc.). Seule une remise de 5 % peut être appliquée.

    Encore aujourd'hui, le ministère de la Culture, en collaboration interministérielle et internationale, promeut le livre, la lecture, l’édition, la traduction, etc. grâce à de nombreux projets comme des prix littéraires, des subventions, des manifestations culturelles – Les nuits de la lecture, Partir en Livre, Le printemps des poètes, etc. –  et  d'autres évènements comme les Salons du livre ou le Festival de la BD d’Angoulême font vivre le livre de mille et une manières.

    Le XXIe siècle : les défis du numérique et de l’environnement

    Il y a encore une vingtaine d’années, les rôles étaient bien définis : l’auteur écrivait, l’éditeur éditait et le lecteur lisait. Mais l’arrivée du numérique a bousculé les rôles et les habitudes. Et la prise de conscience des enjeux environnementaux est en train de se faire une place toujours plus importante sur les étagères de nos librairies et dans les débats entre professionnels du secteur et lecteurs.

    Le numérique : ennemi mortel du livre ?

    Bon, Internet a fait irruption dans nos vies il y a une vingtaine d’années. Le secteur de l’édition est encore debout. Nous pouvons raisonnablement admettre que non, le numérique ne va pas tuer le livre.

    Cependant, nos pratiques changent et se complètent. Entre l’écriture numérique sur des forums comme Wattpad, les BookTubers, les livres audio, l’autopublication, l’impression à la demande, les revues scientifiques en ligne, etc. la lecture n’a jamais été aussi accessible pour le lecteur, mais aussi pour l’auteur. Plutôt que de voir le web comme un ennemi qu’il faut absolument combattre pour sauver le livre, pourquoi ne pas le voir comme une source supplémentaire de créativité et d’occasion de lire ? Il est évident qu’on ne consomme pas un livre numérique et un livre papier de la même manière et pour les mêmes raisons. Si une liseuse peut s’avérer utile pour les étudiants, les chercheurs, les grands voyageurs ou les personnes habitant de petits espaces, un livre papier reste un objet très apprécié des lecteurs. C’est également un beau cadeau et de nombreux types d’ouvrages restent encore assez peu compatibles avec le format numérique : les beaux livres, les catalogues d’exposition, ou encore les BD qui jouent sur l’espace qu’offre la page.

    Le livre : un enjeu environnemental

    Et oui, l’écologie se cache partout ! Entre l’entretien des forêts, la monoculture intensive d’une seule essence d’arbre, la pollution qu’engendre la fabrication du papier, celle des encres, le trafic routier, maritime et aérien pour transporter les matériaux puis les livres, cela fait beaucoup de choses à prendre en compte ! Si le secteur du livre a l’air plutôt réticent à entamer son virage écologique, plusieurs maisons d’édition ont franchi le pas : collaboration avec des usines traitant l’eau du papier avec des algues, utilisation de fibres recyclées, impression à la demande pour éviter la destruction des invendus, etc. De nombreuses solutions existent, et il est peut-être du devoir des lecteurs d’encourager les maisons d’édition à se préoccuper un peu plus des traces que nous laissons sur la planète. Il serait dommage qu’un objet hérité de l’Antiquité et qui a su se réinventer pour se rendre accessible à tous finisse par devenir nuisible pour nos héritiers.


    Pour poursuivre sa réflexion :
    Qu’est-ce que le symbolisme ? - Culture Livresque
    Le Symbolisme est un mouvement littéraire ayant marqué la France de la seconde moitié du XIXe siècle. Sa durée est éphémère mais il touche tous les arts, ce qui fait de lui un mouvement influent...