Qu'est-ce que le symbolisme ?
Le Symbolisme est un mouvement littéraire ayant marqué la France de la seconde moitié du XIXe siècle. Sa durée est éphémère, mais il touche tous les arts, ce qui fait de lui un mouvement influent. Il s’agit d’un mouvement qui découle directement du Parnasse puisque les auteurs symbolistes s’inspirent des auteurs de ce mouvement signant la fin du romantisme. Le mouvement symboliste veut rompre avec les certitudes matérialistes et scientifiques du naturalisme et du positivisme, ils créent aussi une poésie à partir de symboles pour dévoiler une réalité cachée, accessible seulement au poète sensible.
Définir le mouvement littéraire du Symbolisme
Le symbolisme au sens strict désigne l'usage systématique des symboles en littérature. Le mot "symbole" vient lui-même du grec "sumbolo" désignant un objet coupé en deux de manière intentionnelle pour servir de marque de reconnaissance. Par extension, le symbole désigne une chose qui représente une autre chose ou bien une idée, un concept. L'esthétique du symbolisme est née à partir de la lecture des œuvres des auteurs tels que Baudelaire, Verlaine, Rimbaud ou Mallarmé :
disons que Charles Baudelaire doit être considéré comme le véritable précurseur du mouvement actuel ; M. Stéphane Mallarmé le lotit du sens du mystère et de l'ineffable ; M. Paul Verlaine brisa en son honneur les cruelles entraves du vers que les doigts prestigieux de M. Théodore de Banville avaient assoupli auparavant. Cependant le Suprême enchantement n'est pas encore consommé, un labeur opiniâtre et jaloux sollicite les nouveaux venus.
Jean Moréas, Manifeste de 1886
Le symbole est l'instrument privilégié des poètes puisqu'il permet l'association de deux réalités différentes qui, ensemble, produisent un signe nouveau. Grâce au symbole, le poète transpose l'idée en image et crée des analogies suggestives. Le rôle de la métaphore et de la comparaison devient alors essentiel.
Les thèmes privilégiés sont alors la mort et le crépuscule, sujets à perpétuels symboles et interprétations. Pour d’autres artistes, le rêve, le flou et les paysages sont particulièrement intéressants, comme dans la poésie de Mallarmé par exemple. Ils ont, selon lui, le pouvoir de refléter les états d’âme et sont remplis d’ésotérisme. La mythologie et le mystère en général sont également des thèmes appréciés.
Quelques auteurs symbolistes :
- Stéphane Mallarmé ;
- Paul Verlaine ;
- Jean Moréas.
L'esthétisme du symbolisme au XIXe siècle
Jean Moréas est le premier auteur à avoir utilisé le terme de "symbolisme" pour désigner les nouvelles convictions littéraires de cette fin du XIXe siècle. Il en exprime les principes dans son manifeste de 1886 :
Ennemie de l'enseignement, la déclamation, la fausse sensibilité, la description objective, la poésie symbolique cherche à vêtir l'Idée d'une forme sensible qui, néanmoins, ne serait pas son but à elle-même, mais qui, tout en servant à exprimer l'Idée, demeurerait sujette. L'Idée, à son tour, ne doit point se laisser voir privée de somptueuses simarres des analogies extérieures ; car le caractère essentiel de l'art symbolique consiste à ne jamais aller jusqu'à la conception de l'Idée en soi. Ainsi, dans cet art, les tableaux de la nature, les actions des humains, tous les phénomènes concrets ne sauraient se manifester eux-mêmes ; ce sont là des apparences sensibles destinées à représenter leurs affinités ésotériques avec des Idées primordiales.
Jean Moréas, Manifeste de 1886
Stéphane Mallarmé devient, au fil des années, le véritable chef de file du mouvement symboliste. En 1891, il complète le manifeste de Jean Moréas et précise l’essence même de la création poétique des symbolistes, il explique que : "Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est fait de deviner peu à peu : le suggérer voilà le rêve." Ainsi, le Symbolisme est un art de l’évocation. Il ne faut plus simplement réaliser des descriptions fidèles et totales, mais décrire les impressions que l’objet décrit provoque.
La figure du poète symboliste remet en valeur la langue
Le poète symboliste va particulièrement travailler sur les symboles qu’il emploie pour créer de nouvelles images. Il veut faire passer un message nouveau, faire découvrir la face cachée des objets, des personnes, de la nature qu’il voit. Pour faire passer autrement son message, la poète n’hésite pas à remettre en valeur la langue. Pour ce faire, il utilise la langue différemment de ses prédécesseurs.
Le poète est un « voyant » qui traduit le monde en symboles
Le poète est donc un « voyant » qui croit en une face cachée des choses. Ce sont des auteurs qui partent de l'idée que seuls eux-mêmes peuvent déchiffrer les mystères du moment. Pour traduire ce qu’ils voient et transmettre les mystères découverts, le recours au symbole est nécessaire. Le poète est ce visionnaire qui reçoit un message et fait le lien entre les hommes lambda et le monde. C'est un monde de correspondances.
L’acte poétique consiste à interpréter les signes qu’envoie le monde réel et, par « l’alchimie du verbe » de même que par la synesthésie, à faire apparaître un monde invisible. La poésie symboliste est alors rapidement qualifiée d’« impressionniste ». Ce terme s’applique aux poètes de cette période puisqu’ils ne s’intéressent pas à la représentation fidèle du réel, mais plutôt aux sensations et impressions que ce réel a suscitées en lui.
Avec cette nouvelle façon de voir les choses, les auteurs symbolistes deviennent capables de voir le beau caché sous la saleté. Déjà, Baudelaire a commencé à faire évoluer la notion du « beau » en brisant la notion de beauté souvent intemporelle et canonisée. Ainsi, si Baudelaire trouve de la beauté dans la laideur, les poètes symbolistes vont pousser le trait. Avec eux, tout peut être sujet de poésie : le cadavre, le rat, le pauvre, etc. La poésie de Rimbaud nourrit également un versant mystique à la poésie symboliste. Après lui, les auteurs vont se servir de la beauté qui se révèle dans un univers mystérieux qu’il faut déchiffrer. Le rôle du poète change : il doit maintenant « lever un à un les voiles » d’un monde réel et caché qui se confondent.
Une poésie créative qui se fait langue
Le poète symboliste est sensible à la musicalité du langage. Il travaille plus que jamais les allitérations, les assonances et produit des effets rythmiques insolites. Il recherche les mots aux accents inconnus, inventés ou resurgis du passé. Jean Moréas exprime ce travail sur le langage dans son manifeste de 1886 en ces termes :
Pour la traduction exacte de sa synthèse, il faut au Symbolisme un style archétype et complexe : d'impollués vocables, la période qui s'arcboute alternant avec la période aux défaillances ondulées, les pléonasmes significatifs, les mystérieuses ellipses, l'anacoluthe en suspens, tout trope hardi et multiforme ; enfin la bonne langue - instaurée et modernisée -, la bonne et luxuriante et fringante langue française d'avant les Vaugelas et les Boileau-Despréaux, la langue de François Rabelais [...] et de tant d'autres écrivains libres et dardant le terme du langage, tels des Toxotes de Thrace leurs flèches sinueuses.
Jean Moréas, Manifeste de 1886
En cherchant comme modèle des auteurs comme Rabelais, ils espèrent retrouver une liberté de création. Il faut bien avoir en tête que Rabelais est le créateur d’un grand nombre de mots. C’était une époque où la langue n’était pas figée, ou Vaugelas, célèbre grammairien ayant normé la langue française, n’harmonisait pas encore les règles de la langue.
En termes de formes, la plupart des écrits symbolistes restent de la poésie. Le sonnet est régulièrement remis à l’honneur, mais il subit des distorsions qui en renouvellent la tradition. Les règles de mesure, de rimes et de longueur ne sont plus respectées. Au contraire, si beaucoup de poètes reprennent le nombre de vers, ils modifient le sonnet en utilisant des vers libres pour briser les codes. D’autres vont plus loin et écrivent des poésies sans règles ou utilisent la prose poétique. Globalement, la forme n’est pas si nouvelle par rapport au Parnasse, c’est un mouvement qui avance timidement, mais qui traduit tout de même une volonté de briser les codes et de pousser ce que le Parnasse avait entamé.