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    5 mai 2020

    Analyse de L'Ingénu de Voltaire

    Analyse de L'Ingénu de Voltaire

    Voltaire n'en est pas à son coup d'essai avec L'Ingénu, mais il a toujours un message à faire passer et cette politisation et moralisation du roman, on adore ! Cette histoire se déroule en France, sous le règne de Louis XIV en 1689. Voici donc un roman qui critique, qui explose de vérité et de philosophie.

    Résumé de L'Ingénu

    L'Ingénu est l'histoire d'un Huron qui débarque dans un village de Bretagne depuis l'Angleterre. Il est surnommé l'Ingénu pour une raison simple : il n'a pas reçu d'éducation, ce qui fait de lui un naïf face au monde. Sur la côte, l'abbé de Kerkabon et sa sœur se promenaient justement. Cette rencontre étonnante les intrigue et ils invitent le Huron à dîner chez eux. Au cours d'une nouvelle promenade, le Huron remercie les Kerkabon pour leur hospitalité en leur offrant un bijou, censé leur porter bonheur. Il comporte des portraits mal réalisés. Ils voient dans les traits des deux visages représentés leur frère et sa femme, et en viennent à la conclusion que le Huron n'est ni plus ni moins que leur neveu.

    Viennent alors l'heure du baptême et la découverte de Mlle de Saint-Yves. Mais lorsque l'Ingénu, de son nom de baptême Hercule Kerkabon, tombe amoureux de Mlle de Saint-Yves, sa proposition est rejetée et sa belle est enfermée dans un couvent. Par grand désespoir, il pense à brûler le couvent et s'en aller avec elle lorsqu'il se retrouve dans un combat contre une invasion anglaise. Il gagne la bataille et ses proches lui conseillent d'aller demander une récompense au roi pour sa bravoure.

    Une fois à Paris, lorsqu'il veut rencontrer le roi et défendre des huguenots rencontrés en route, il se fait embastiller sans procès et sans être parvenu jusqu'au roi. En prison, il rencontre le janséniste Gordon. Ce dernier va à la fois le soutenir moralement et l'éduquer grâce aux livres et aux préceptes des philosophes qu'il lira. Au fur et à mesure de son instruction, l'Ingénu se métamorphose en homme de bon sens et changera les convictions religieuses de Gordon. L'Ingénu n'est pas le seul à souffrir des injustices. Mlle de Saint-Yves, partie à Versailles à la recherche de celui qu'elle considère comme son mari, est soumise à un dilemme dramatique : elle doit choisir entre sa vertu et son amant. Bien sûr, les Saints lui diront tous que sa vertu ne sera pas entachée si elle comble les désirs d'un autre saint dans de bonnes intentions et le drame débute. Elle gagne la reconnaissance de son mari, mais au prix de sa vertu… et de sa vie.

    Le mythe du "bon sauvage"

    Regarder la société de loin

    Tout le monde le regardait avec admiration ; tout le monde lui parlait et l'interrogeait à la fois ; le Huron ne s'en émouvait pas.

    Le mythe du bon sauvage se constitue autour de l'image d'un étranger qui se fait pervertir par la société. Dans ce roman, nous suivons l'histoire du Huron - donc un étranger - considéré comme un Ingénu venant d'un pays barbare. Dans la première partie du roman, sa naïveté règne en maître et lui fait vivre des déconvenues, jusqu'à l'emprisonnement à la Bastille. Mais ce mythe du bon sauvage est exploité par Voltaire, comme par Montesquieu avant lui, pour critiquer la société d'un point de vue extérieur.

    Ce regard externe est un outil formidable pour les auteurs. Il leur permet souvent d'éviter la censure d'une critique sociale frontale. En effet, il faut recevoir le droit de publication et si la figure royale est désapprouvée, critiquée ou calomniée, un texte ne pourra pas être imprimé (ou il sera distribué sous les manteaux, mais cette pratique est dangereuse).

    La loi naturelle contre la loi positive

    L'Ingénu représente, selon la conception de Voltaire, la loi naturelle. Il s'agit des lois que l'homme possède de manière innée et primitive. En somme, elle reflète la "nature humaine". Son sens de la justice, sa façon de penser le monde et de le posséder. C'est cette loi naturelle qui le poussera à vouloir posséder physiquement Mlle de Saint-Yves, sans le consentement de son frère l'abbé et sans le sacrement du mariage. Il s'agit également de cette loi qui induit le comportement de l'Ingénu, face au combat contre les Anglais. Là où il perçoit une injustice ou un manquement à l'honneur, il résout le conflit.

    Mais il est perpétuellement mis face à la loi positive. Cette loi est selon Voltaire dictée par les sages et les honnêtes gens. Elle suit le progrès de la morale et intellectuel des hommes. Mais il semblerait également qu'elle puisse être pervertie. Alors, si elle n'est plus juste, la loi naturelle doit reprendre le dessus sur la loi positive.

    Le bon sauvage devient un homme honnête

    Je serais tenté, dit-il, de croire aux métamorphoses, car j'ai été changé de brute en homme.

    Mais pour critiquer avec du bon sens, il faut que notre homme naïf devienne un homme instruit. Qui porterait attention aux divagations d'un naïf qui n'a reçu aucune éducation ?

    Une fois en prison, il évolue et se transforme "de brute en homme". Par ces lectures, Voltaire fait évoluer son personnage et sa façon d’aborder le monde. L'enfermement devient prolifique puisqu'il permet à notre personnage d'étudier. L'une des plus grandes découvertes est l'apprentissage de soi et la compréhension du monde. Ce sont des motifs très importants qui permettront à notre "bon sauvage" de devenir un "honnête homme".

    Nous pourrions alors nous attendre un changement dans la conception de l’histoire et c'est le cas puisque notre Hercule Kerkabon devient celui qui critique et "juge" les croyances et les pratiques. Il n'est plus celui qui les croit et les applique, il les remet en question avec justice et justesse.

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    La critique sociale

    Critique de la pratique de la religion

    Voltaire utilise donc la figure du naïf pour critiquer la pratique de la religion. Il ne parle pas de la religion en elle-même, ce n'est pas les croyances qui l'intéressent, mais la façon de les mettre en pratique.

    L'eunuque de la reine Candace fut baptisé dans un ruisseau ; je vous défie de me montrer dans le livre que vous m'avez donné qu'on s'y soit jamais pris d'une autre façon.

    Dès le début les abbés font lire à l'Ingénu la Bible et tous les textes saints. Alors, au moment de son baptême, il attend dans l'eau de la rivière qu'on vienne accomplir la cérémonie. Mais cela ne convient plus, sa tante, son oncle et les prêtres et évêques tentent de ramener l'Ingénu "à la raison", mais leur raisonnement n'est pas le même. Nous sommes encore dans la première partie du roman, et la loi naturelle est celle qui domine notre personnage. Il veut une cérémonie au plus près des pratiques religieuses premières. Mais cette loi naturelle va aussi le faire céder, face à l'amour, pour la loi prétendue "positive" des villageois. La réalité, la voici :

    Le baptême fut administré et reçu avec toute la décence, toute la magnificence, tout l'agrément possible.

    tout n'est plus question que de confort.

    Critique des religieux

    Voilà un abominable pêcheur ! lui dit le père Tout-à-tous. Vous devriez bien me dire le nom de ce vilain homme : [...] je le dénoncerai à sa révérence le père de La Chaise, qui le fera mettre dans le gîte où est à présent la chère personne que vous devez épouser.

    Pire encore ! Voltaire, dans sa critique, ne montre pas seulement ce qui ne va pas dans les pratiques, il dénonce. Il expose au public l'image des religieux et des dits "Saint" qui profitent de leur pouvoir pour assouvir leurs désirs. Souvenez-vous de Saint-Pouange : cet homme propose de rendre la liberté à un homme enfermé à tort contre la virginité d'une fille qui veut devenir la femme de celui qu'elle vient défendre. Cela aurait pu rester insidieux et ne plus être proposé. Le prêtre aurait pu écrire la lettre malgré le refus de mademoiselle de Saint-Yves...

    Mais le lendemain, elle doit aller voir un autre prêtre pour défendre sa cause et celle de son ami. Ce prêtre crie, révolté, qu'il fera emprisonner ce faux religieux... jusqu'à ce qu'il apprenne l'identité de l'accusé. Alors il se lance dans une plaidoirie pour défendre l'honneur de cet homme trop bien placé, trop important pour être répudié. Il ira jusqu'à convaincre notre pauvre Mlle de Saint-Yves que donner son corps à Saint-Pouange ne serait pas un péché et serait même louable puisqu'elle le ferait par vertu…

    Voilà donc l'infamante vérité que Voltaire veut dénoncer, et qu'il prend le risque de diffuser malgré la censure permanente.

    Critique du pouvoir royal

    Il est bien plus aisé de se battre en Basse-Bretagne contre des Anglais que de rencontrer à Versailles les gens à qui on a affaire.

    Voltaire critique également les relations qui s'instaurent à la cour. Elles sont souvent le prix des ventes des corps, des billets passés sous la table et des ententes qui seront profitables. Un homme de haute stature ne sera pas forcément méritant. Bien au contraire, celui qui aura de l'importance sera probablement celui qui a les moyens de se payer sa place dans la société…

    Il y a un autre type de critique que Voltaire produit dans son petit roman. Il s'attaque au pouvoir royal, qui enferme sans faire de procès aux hommes. L'Ingénu comprend dès son arrivée en prison l'injustice de sa condamnation. Il a été enlevé sans comprendre pourquoi et fait prisonnier. Il n'a pas pu avoir d'audience avec le roi et malgré ses exploits en Bretagne, il est condamné comme un malfaiteur sous le seul pouvoir d'une lettre. L'injustice n'est pas réparée qui plus est, puisque mademoiselle de Saint-Yves perdra sa vertu et sa vie pour réparer les erreurs du pouvoir royal, abusif et expéditif...

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    Citations

    Je soupçonne qu'il y a souvent de l'illusion, de la mode, du caprice, dans le jugement des hommes. J'ai parlé d'après la nature ; il se peut que chez moi la nature soit très imparfaite ; mais il se peut aussi qu'elle soit quelquefois peu consultée par la plupart des hommes.
    J'ai vécu Huron vingt ans ; on dit que ce sont des barbares, parce qu'ils se vengent de leurs ennemis ; mais ils n'ont jamais opprimé leurs amis. À peine ai-je mis le pied en France, que j'ai versé mon sang pour elle, j'ai peut-être sauvé une province, et pour récompense je suis englouti dans ce tombeau des vivants, où je serais mort de rage sans vous.
    Ce n'était plus cette fille simple dont une éducation provinciale avait rétréci les idées. L'amour et le malheur l'avaient formée. Le sentiment avait fait autant de progrès que la raison en avait fait dans l'esprit de son amant infortuné.

    Si ce livre vous intéresse :
    Sinon...
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