La grâce de Thibault de Montaigu
La grâce est un roman de Thibault de Montaigu paru aux éditions Plon. Il fait partie des ouvrages de la rentrée littéraire 2020.
Résumer La grâce
Thibault de Montaigu témoigne à travers ce roman de sa rencontre avec Dieu au moment où il était frappé par la dépression. Parti sur les traces de Xavier Dupont de Ligonnès dans l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, il est touché par la grâce pendant une messe. Personne dans son entourage ne comprend réellement cette soudaine conversion. Le destin semble sonner à sa porte lorsque son père lui apprend que son oncle Christian est atteint d’un cancer. Christian est un franciscain qui a toujours accordé de l’attention à Thibault dans leurs rares rencontres. L’occasion est trop belle : c’est à lui qu’il doit raconter son expérience divine. Mais au moment où les deux hommes renouent les liens, la maladie emporte Christian. Commence donc une véritable enquête pour comprendre cet oncle passé de dandy mondain brûlant la chandelle par les deux bouts à prêtre franciscain sacrifiant sa santé pour aider son prochain.
Mon avis sur ce roman
Je n’ai pas particulièrement aimé ce livre, mais je ne l’ai pas pour autant détesté. Si je l’ai lu jusqu’au bout, c’est pour pouvoir écrire cet avis. Sinon, je l’aurais probablement posé sur mon bureau avant d’aller me coucher ; le lendemain, j’aurais fait des choses plus urgentes, et aurais fini par ne jamais achever cette lecture sans que cela me gêne.
De la grâce à la gêne
Le principal problème pour moi a été le sujet même de ce livre. Thibault de Montaigu nous livre avec toutes sortes de détails (intimes, sordides, touchants, etc.) la vie de son oncle. Et c’est souvent embarrassant. Ce sentiment, je l’ai retrouvé décrit dans plusieurs critiques que j’ai lues après avoir achevé ce roman. Alors peut-être que cela est gênant parce que cela affecte des craintes enfouies au plus profond de nous ? Mais en ce qui me concerne, cette gêne venait plus tôt du fait que la vie de cet homme, ses peurs, ses angoisses, ses interrogations nous soient rendues… sans qu’on sache avec certitude s’il cautionne cela.
En effet, dans l’un des chapitres, Thibault de Montaigu nous apprend que le passé tumultueux de Christian a fini dans les colonnes du Sud-Ouest à la suite d’une intervention de sa part pour alerter sur les problèmes des contrôles aux faciès à Bordeaux :
La consécration. Mais aussi le début des emmerdes. Car cet article fait jaser. Les Franciscains sont connus pour être discrets. Cette publicité, ils s’en seraient bien passés. Et puis, quel besoin de raconter les drogues, les boîtes de nuit, les moments où il pouvait ‘‘sombrer dans n’importe quoi’’, comme il est écrit… (p.242)
Sauf que ces révélations ont conduit à la mise au placard de Christian par sa propre communauté religieuse, et il en a beaucoup souffert. Alors, certes, puisque ces détails ont été publiés dans un journal, quelque part, ils sont déjà connus, à la disposition de tous. Mais était-ce nécessaire de les restituer à la lumière ?
Thibault de Montaigu se défend dans le roman même :
Certains me reprocheront d’être allé trop loin ; d’autres m’en voudront de raconter jusqu’à quel abîme de désespoir ces expériences l’ont mené. Et qu’ai-je à leur répondre, sinon que ça s’est passé comme ça, que je n’invente rien ?
Et après avoir remémoré une interview de Christian où il évoque Charles de Foucauld (un débauché s’étant tourné vers Dieu) et saint François d’Assise, l’écrivain justifie encore une fois son entreprise littéraire :
Christian ne voudrait pas qu’on taise son passé, ni qu’on cherche à l’édulcorer. J’en ai la certitude en lisant cet entretien avec Michel Pilorgé. Il voudrait que son histoire soit racontée sans rien laisser de côté. Même cette nuit de l’âme où il a fini par sombrer. (p.138)
Peut-être, peut-être pas. L’auteur est sûrement le mieux placé pour en juger.
La grâce : pour quel public ?
Mais mon manque d'investissement dans ma lecture vient peut-être du fait que je ne suis absolument pas le public visé. Je ne me suis pas du tout reconnue à travers ces hommes quarantenaires provenant d’un milieu privilégié, victimes d’une dépression et qui retrouvent le goût de la vie auprès de Dieu. L’exemple le plus marquant pour moi de ce non-investissement est le mélange constant que je faisais entre les personnages. N’étant pas très concentrée pendant ma lecture, parce que détachée des personnages, je me suis surprise à relire plusieurs fois certains passages. L’auteur mêle des chapitres traitant de lui, d’autres de son oncle Christian, et d’autres encore de saint François d’Assise (le modèle de Christian). En soi, la narration est très claire. Cependant, les rapprochements entre les figures de Christian et de saint François sont si poussés par moments, que c’étaient les noms des villes ou la mention de chevaliers qui me faisaient tiquer.
Je suis déçue de ma lecture. J’aurais aimé être touchée par l’histoire ou être énervée au possible par toutes ces considérations sur la vie, sur la religion, etc. Mais j’ai finalement été ennuyée parce que cela ne m’intéressait pas et que je ne comprenais pas pourquoi la vie de cet homme malheureux – mais qui a quand même trouvé la sérénité – m’était exposée sans son consentement avéré.
Quelques points positifs…
Le style est fluide. Ce roman se feuillette bien et plutôt rapidement (5h pour lire 300 pages, pour ma part). Bref, Thibault de Montaigu écrit bien.
Le portrait de Christian est tout de même un joli tableau, souvent touchant :
Cette curiosité, cette bienveillance, quand j’y repense, il les avait toujours eues à mon égard. Et ce n’étaient pas de simples questions d’usage ni de politesse. Non. Il lui importait vraiment de savoir si je poursuivais la guitare et que groupe j’écoutais, et s’il pourrait me voir un jour sur scène avec ma bande dont le nom – Massacra Ancestra Destroyer – le faisait bien marrer. (p.16)
Enfin, je pense retenir l’histoire de saint François, du moins les grandes lignes, que je ne connaissais pas avant de lire ce roman. Bref, cet ouvrage m’aura au moins apporté sur le plan de la culture générale.
Gardons l'esprit ouvert !
Mais comme pour tout livre, je suis sûre que certains et certaines d’entre vous sauront l’apprécier à sa juste valeur et le faire résonner en eux. Comme le remarque Margarita, la psychologue de Thibault :
Mais non, peu importent les détails, a repris Margarita, le propre du lecteur, c’est de se reconnaître dans une histoire qui n’est pas la sienne. Et je crois que cette histoire peut parler à beaucoup de monde parce que, ce que tu me racontes là, c’est ni plus ni moins celle d’une résurrection. (p.128)