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    25 janvier 2022

    Le Malade imaginaire de Molière

    Le Malade imaginaire de Molière

    En 2022, nous fêtons les 400 ans de la naissance de Molière et la présence de son ultime pièce, Le Malade imaginaire, dans les programmes de baccalauréat. Comédie-ballet en prose et en trois actes, Molière a travaillé la mise en scène de la pièce avec Marc-Antoine Charpentier pour la musique et les ballets ont été conçus par Pierre Beauchamp.

    Tout sur Molière, qu’on ne présente plus

    Baptisé en 1622 et décédé en 1673, Jean-Baptiste Poquelin, plus connu sous le nom de Molière, fait partie des auteurs français que n’importe qui a croisé au moins une fois au cours de sa scolarité. Mais nous allons tout de même rappeler quelques petits points de sa biographie, parce que ça ne fait pas de mal.

    Reconnaissance de Louis XIV : Molière, troupe du Roy

    Si son avenir était tout tracé (reprise de la charge de tapissier ordinaire du Roi), Jean-Baptiste en a décidé autrement. En 1643, il rencontre Madeleine Béjart et monte une troupe de théâtre avec elle, l’Illustre-Théâtre. L’année suivante, il prend le surnom de Molière. Pendant treize ans, de 1645 à 1658, toute la troupe part jouer en province.

    Les traces et détails de cette période ne sont pas suffisants pour permettre aux spécialistes d’en connaître beaucoup. On sait cependant que la troupe va changer de protecteur plusieurs fois avant de passer sous celle de Corneille en 1658. De plus, l’année 1658 sonne le retour du comédien-dramaturge à Paris. Il joue devant le Roi Nicomède. Le succès est tel que le souverain lui accorde la salle du Petit-Bourbon pour accueillir ses représentations.

    L’année suivante, en 1659 donc, Molière fait jouer la première de ses pièces les plus connues : Les Précieuses ridicules. Le succès est immense. Les futures pièces sont quasiment toutes des succès (à quelques exceptions près) et certaines vont provoquer la colère des bien-pensants de l’époque, comme L’école des femmes. En 1665, alors que Dom Juan ainsi que Le Tartuffe l’année passée, rendent malades les détracteurs de Molière, Louis XIV lui accorde le titre de "troupe du Roi".

    Une mort dramatique pour un dramaturge comique

    Déjà assuré de rester dans les annales grâce à ses pièces, Molière a d’autant plus déchaîné les passions avec les circonstances de sa mort. Le 17 février 1673, alors qu’à lieu la quatrième représentation du Malade imaginaire, le dramaturge est pris d’un malaise. Transporté chez lui aussitôt, il décède d’un problème pulmonaire probablement lié à la tuberculose.

    N’ayant pas renié sa vie de comédien (qui était sanctionnée de l’excommunication), Molière se voit refuser l’entrée au cimetière chrétien. Louis XIV s’oppose à cette décision et obtient que le dramaturge soit enterré discrètement au cimetière Saint-Joseph.

    Le Malade imaginaire : ça raconte quoi ?

    L’intrigue du Malade imaginaire tourne autour d’Argan, un bourgeois hypocondriaque au possible qui passe son temps à faire des saignées et des lavements pour soigner ses maladies fantasmées. Argan est "soigné" par Monsieur Purgon, un médecin payé très cher pour prescrire des remèdes ne servant à rien. Notre malade est également entouré de Béline, sa seconde épouse qui souhaite mettre la main sur la fortune de son mari et jeter sa belle-fille, Angélique, au couvent.

    Cette dernière, en âge de se marier, tombe amoureuse de Cléante et souhaite unir sa vie à la sienne. Cependant, Argan dans son délire hypocondriaque voit les choses autrement. Il mariera sa fille à un futur médecin, Thomas Diafoirus, fils de Monsieur Diafoirus, lui-même médecin. Tout cela dans l’optique d’avoir, vous l’aurez compris, un médecin dans la famille, à portée de main, et beaucoup moins onéreux que Monsieur Purgon et son acolyte d’apothicaire Monsieur Fleurant.

    Fort heureusement, Angélique peut compter sur l’intelligence de Toinette, la domestique de la maison et de la complicité de son oncle Béralde pour discréditer Messieurs Diafoirus, présenter Cléante sous son meilleur jour et démasquer les sombres desseins de Béline.

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    Le Malade imaginaire : une comédie-ballet

    Qu’est-ce qu’une comédie-ballet ?

    L’ultime pièce de Molière fait partie de ce que l’on nomme aujourd'hui "comédie-ballet". Ce genre mélange à la fois un drame, le chant et une chorégraphie. Cette alliance a été inventée par Molière et Jean-Baptiste Lully, illustre compositeur de la cour de Roi Soleil, en 1661 à l’occasion de la pièce Les Fâcheux. L’expression "comédie-ballet" vient de Molière lui-même lorsqu’il qualifia Le Bourgeois gentilhomme d’une comédie mêlée de danse.

    Si Molière et Lully ont travaillé en étroite collaboration de nombreuses années, ils se brouillent définitivement en 1671. Molière fait donc appelle à Marc-Antoine Charpentier pour Le Malade imaginaire. Le mélange entre danse, musique et comédie n’est pas naturel pour l’époque. En effet, d’un côté la musique et la danse sont employées pour des sujets nobles, aristocratiques, de l’autre, la comédie est associée au peuple, à la bourgeoisie.

    Selon les spécialistes du théâtre, le mélange entre danse et jeu dramatique permet de conserver une continuité de mouvement et de rythme entre les morceaux des pièces. Ici, les ballets sont à la fois délicats (le prologue pastoral et la danse des Maures), pittoresques (la mascarade des médecins) et font écho à des gestes de la vie quotidienne (la mise en place des tables).

    La comédie : ressorts et enjeux

    Cette pièce reste classique sur plusieurs aspects. En effet, il s’agit d’une histoire d’amour entre deux jeunes gens contrariée par le père. Mais le dénouement heureux peut avoir lieu grâce à la ruse des domestiques. Pour rappel, une comédie se doit de plaire, de faire rire mais aussi de corriger les mœurs des spectateurs en faisant passer une morale.

    Pour ce qui est du rire, Molière use de tous les ressorts comiques qui ont fait sa signature :

    • le comique verbal avec notamment la répétition (comme dans III, 5 et III, 10 avec la répétition de "Monsieur Purgon", "Le poumon !" et "Ignorants !") mais aussi la surutilisation du latin et du jargon professionnel des médecins qui rend complètement incompréhensibles leur discours ;
    • le comique de situation avec par exemple le quiproquo confondant Cléante et Thomas Diafoirus ;
    • le comique de geste comme dans I,5 avec Argan courant après Toinette pour la battre ;
    • le comique de mœurs dans le portrait peu reluisant des médecins ;
    • le comique de caractère parfaitement incarné par Argan qui à cause de sa peur immodérée pour la maladie devient égoïste et naïf.

    Du côté de la morale, nous pouvons noter que Molière est virulent dans ses propos. Connu pour peindre les mœurs et comportements de ses contemporains (ce qui est une révolution pour l’époque), il critique et condamne fermement l’incompétence de la médecine et surtout l’hypocrisie. Celle d’Argan qui cherche un gendre pour être à ses petits soins, celle de Béline qui veut faire main basse sur la fortune de son mari et qui feint de l’aimer, celle de la troupe de médecins dont l’incompétence et l’appât du gain les empêchent de voir (ou de reconnaître ?) qu’Argan est en parfaitement santé.

    Trois groupes de personnages dans Le Malade imaginaire

    La relation entre les personnages peut s’observer à partir d’Argan, le point central de la pièce. Trois groupes gravitent autour de lui. Le premier est celui de la famille composé d’Angélique, Louison (la petite sœur d’Angélique), Béralde, Toinette. Nous pouvons rajouter Cléante et éventuellement Polichinelle, l’amant de Toinette. C’est l’affection et le bon sens qui caractérise ce groupe. Angélique et Cléante sont les deux amants aux amours contrariées qui servent de fil rouge à l’histoire. Toinette est la domestique rusée et clairvoyante qui parvient à retourner la situation au profit des gens qu’elle affectionne et protège.

    Le deuxième groupe se compose de Béline, la seconde épouse d’Argan et de Monsieur Bonnefoy son notaire. Le troisième groupe rassemblant le corps médical, c’est-à-dire Messieurs Diafoirus père et fils, Monsieur Purgon et Monsieur Fleurant l’apothicaire, partage l’hypocrisie et l’appât du gain avec Béline et Monsieur Bonnefoy.

    Molière et les médecins obscurantistes

    Lorsqu’on regarde l’œuvre de Molière, on peut s’apercevoir que les médecins sont un sujet qui lui tient à cœur : Le Médecin volant (1659), L’Amour médecin (1665), Dom Juan (1665), Le Médecin malgré lui (1666), Monsieur de Pourceaugnac (1669), mettent en scène des médecins tous plus inutiles les uns que l’autre. L’idée que l’habit fait le moine, ou plutôt que la robe et la barbe font le médecin, développée à la fin du Malade imaginaire est déjà présente dans Dom Juan lorsque Sganarelle devient omniscient en médecine rien qu’en revêtant l’habit.

    La moquerie et la dénonciation de l’impuissance des médecins sont un thème que l’on retrouve dès le Moyen-Âge (dans le fabliau Le Vilain Mire notamment) et énormément dans la commedia dell’arte. La non-évolution de cette discipline depuis l’Antiquité et son inefficacité est la base de cette raillerie séculaire. Elle s’intensifie aux XVIIe et XVIIIe siècle alors que la révolution scientifique est en marche.

    Les savants osent remettre en question le savoir des Anciens et à essayer par eux-mêmes. Mais comme toute avancée, les découvertes en médecine ont leurs opposants qui préfèrent les anciennes méthodes et ne veulent pas progresser. Ceux-ci sont ici représentés sous les traits de MM. Diafoirus et M. Purgon. Ces derniers se contredisent sur leur diagnostic et les traitements mais savent bien parler le latin. C’est déjà ça.

    Si les médecins sont ridiculisés tout le long de la pièce, surtout par Toinette et Béralde, la moquerie atteint son apogée avec la cérémonie mascarade permettant à Argan de devenir lui-même médecin à la fin de la pièce grâce à la barbe et à l’habit, car on n’est jamais mieux servi que par soi-même !

    Une dernière précision : Molière n’était pas opposé à la médecine mais bien aux médecins qui refusaient de la faire progresser et qui restaient donc enfermés dans une sorte d’obscurantisme scientifique.

    Élargir la réflexion : Le Malade imaginaire, une pièce teintée de féminisme ?

    Le thème du mariage forcé, ici pour servir l’égoïsme de l’hypocondrie, et sa dénonciation résonne comme un sujet féministe à nos oreilles du XXIe siècle. Si la critique n’est pas encore complètement tranchée sur cette question (notamment à cause des Précieuses ridicules), nous pouvons tout de même souligner plusieurs points. Molière aborde régulièrement la condition des femmes et l’importance de leur éducation. Il leur offre de réels rôles et fréquente beaucoup les salons mondains, lieux féministes avant l’heure.

    Citations

    BERALDE.- Moi, mon frère, je ne prends point à tâche de combattre la médecine, et chacun, à ses périls et fortune, peut croire tout ce qu’il lui plaît. Ce que j’en dis n’est qu’entre nous, et j’aurais souhaité de pouvoir un peu vous tirer de l’erreur où vous êtes, et, pour vous divertir, vous mener voir, sur ce chapitre, quelqu’une des comédies de Molière.
    ARGAN. - C’est un bon impertinent que votre Molière avec ses comédies, et je le trouve bien plaisant d’aller jouer d’honnêtes gens comme les médecins.
    BERALDE. - Ce ne sont point les médecins qu’il joue, mais le ridicule de la médecine.
    III, 3.
    BERALDE. - Mais, mon frère, il me vient une pensée. Faites-vous médecin vous-même. La commodité sera encore plus grande d’avoir en vous tout ce qu’il vous faut.
    […]
    ARGAN. - Mais il faut savoir parler latin, connaître les maladies et les remèdes qu’il y faut faire.
    BERALDE. - En recevant la robe et le bonnet de médecin, vous apprendrez tout cela, et vous serez après plus habile que vous ne voudrez.
    ARGAN. - Quoi ! l’on sait discourir sur les maladies quand on a cet habit-là ?
    BERALDE. - Oui. L’on n’a qu’à parler ; avec une robe et un bonnet, tout galimatias devient savant, et toute sottise devient raison.
    TOINETTE. - Tenez, monsieur, quand il n’y aurait que votre barbe, c’est déjà beaucoup, et la barbe fait plus de la moitié d’un médecin.
    III, 14.
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