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    7 décembre 2021

    Analyser Les fausses confidences de Marivaux

    Analyser Les fausses confidences de Marivaux

    Marivaux est un dramaturge bien connu, pour Les fausses confidences tout comme Le jeu de l’amour et du hasard ou encore L’île des esclaves. Il s’est illustré dans l’art de la séduction menant à l’amour, au point d’être à l’origine de ce que nous appelons aujourd’hui le "marivaudage". C’est donc le moment de s’intéresser à nouveau à cette pièce de théâtre emblématique d’un auteur de théâtre et de roman à portée sociale.

    Réception de la pièce par le public

    Les fausses confidences sont une pièce de théâtre proposée par Marivaux au public de la comédie Italienne le 16 mars 1737. Toutefois, si elle est connue et reconnue aujourd’hui, cette pièce n’a pas remporté le succès escompté à son époque. En effet, cette pièce en trois actes et écrite en prose est considérée aujourd’hui comme la dernière grande pièce de Marivaux, elle ne l’est que selon le canon littéraire actuel. Cette pièce n’a été représentée que trois fois avant de passer à la trappe, sans que les gazettes ne l’évoquent vraiment.

    Les fausses confidences ne sont toutefois pas restées longtemps dans l’ombre puisqu’elle a commencé à être rejouée lors de la Révolution. D’abord présentées dans les petits salons bourgeois, avant de rencontrer un plus large succès dans la population de l’époque, chamboulée par de nombreuses actions politiques et sociales.

    Les fausses confidences : un problème de liberté des sentiments et de la vision de l’amour

    Toute l’intrigue de cette pièce de théâtre découle du problème de la liberté des sentiments et de la vision de l’amour incarnés par la société.

    Des restrictions sociales de l’amour

    En effet, si l’amour entre Dorante et Araminte relève de la tradition de l’amour courtois (notamment sur le fait que la femme domine et que l’homme est à son service) qui existe depuis le Moyen-Âge. Cela n’empêche, cette forme d’amour n’est plus d’actualité à l’époque de Marivaux. En effet, il s’agit avant tout pour les femmes de faire un riche mariage, sans prendre en considération les sentiments des uns et des autres. Le mariage est avant tout un acte social auquel il faut se soumettre pour améliorer sa condition.

    Toutefois, l’amour entre Dorante et Araminte n’est pas tout à fait sincère non plus. Il ne faut pas oublier qu’ils ne sont pas réellement libres de leurs sentiments : Dorante incarne également l’amour tel que la société la conçoit puisqu’ils manigancent de fausses confidences avec son ancien intendant Dubois afin de faire un mariage profitable, alors que l’amour n’est pas présent. L’amour est donc manipulé par Dubois, ce maître des cœurs et des confidences qui permettront à son ancien maître de faire un mariage avantageux, contre l’avis des convenances de l’époque.

    Un amour qui relève de l’émancipation pour Araminte

    Malgré tout, le fait qu’Araminte succombe aux avances de Dorante relève d’une grande avancée. La portée sociale de cette pièce de théâtre est plus importante que celle implicite à la pièce Le Jeu de l’amour et du hasard par exemple. En effet, cette femme qui pouvait se marier avec un riche aristocrate et prendre de l’importance dans la société va finalement préférer se lier à Dorante, pauvre et sans statut social. Pour montrer cette différence sociale, il suffit de s’intéresser aux revenus des deux amoureux : Dorante ne touche que 60 francs par mois, soit un revenu normal, alors qu’Araminte perçoit plus d’un million de rentes chaque année.

    Marivaux permet ainsi à son personnage, outre l’aspect de la manipulation par Dubois, de s’émanciper de la conception attendue de la femme. Celle-ci a, dans le théâtre de ce dramaturge, la liberté de choisir son époux autrement que selon les caractéristiques de la convention sociale. Cette possibilité de trancher entre différents profils n’était pas offerte aux femmes du XVIIIe siècle. D’ailleurs, Marivaux accentue fortement les dissymétries entre les deux personnages : ils n’ont ni le même objectif, ni le même statut social, ni le même âge (Araminte a environ 35-37 ans alors que Dorante n’a que 29 ans) pour accroître ce sentiment de liberté qui doit se gagner au détriment d’un avenir assuré socialement.

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    Un amour contrôlé : Dubois maître des cœurs

    Cette thématique de l’amour n’est pourtant pas dénuée de jeu théâtral et de maîtrise par les personnages. Si Dorante et Araminte sont les sujets principaux de la pièce, c’est Dubois qui est à l’origine de tout ce qui va se dérouler dans cette pièce. En effet, ce personnage est presque une figure paternelle pour Dorante qui n’a plus son père et il va le conduire vers la fortune pour améliorer sa situation. Pour ce faire, il va gouverner les fausses confidences conduisant à l’amour. Et de fait, Dubois intervient vivement dans la construction des relations des personnages en induisant dans les esprits tous les signes de l’amour.

    Quelques exemples de cette maîtrise de l’amour par Dubois ? Dès la scène 2 de l’acte I, Dubois rassure Dorante en lui indiquant que l’amour et lui feront le reste. Il s’associe donc à la figure mythologique en insinuant qu’il doit travailler à ses côtés pour induire l’amour dans les cœurs des personnages. D’ailleurs, Dubois maîtrise si bien la situation qu’on peut parfois se demander ce que ressent vraiment Dorante. En effet, on ne connaît ce que pense Dorante qu’à travers les paroles et les actions de Dubois. Dans l’acte III, scène 1, nous pouvons même lire "Il faut qu’elle nous épouse", cela laisse pensif. Qu’est-ce qu’Araminte aime vraiment ? Dorante et son physique, ou Dubois et les idées qu’il propose à son imagination ?

    Dans les techniques qu’il emploie, il exaspère l’amour d’Araminte en utilisant la jalousie. Il se sert également de son expérience auprès de Dorante pour le noircir afin qu’Araminte soit dans l’obligation de le défendre. Se faisant, elle se retrouve à penser plus que ce qu’elle ne devrait à Dorante. Enfin, il flatte la vanité de sa maîtresse en lui disant qu’elle a rendu fou d’amour Dorante par son charme et son charisme.

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    Concevoir autrement l’amour grâce au "marivaudage"

    Lorsque Marivaux est évoqué, nous pensons généralement au marivaudage. De quoi s’agit-il ? Ce mot a tout simplement été inventé à partir du nom de l’auteur à l’origine de cet "art de la séduction toute en finesse". Ce terme apparaît dès 1743 dans les lettres de Mme de Graffigny qui tenait un salon littéraire.

    Définition du marivaudage

    À partir de ce mot, nous pouvons dégager le verbe "marivauder" qui se retrouve sous la plume de Diderot en 1760, toujours pour évoquer un art de la séduction particulièrement raffiné. Attention toutefois à l’utilisation de ce mot qui est anachronique, ce n’est pas Marivaux lui-même qui s’emploie à populariser ce terme.

    Le marivaudage est alors l’alliance d’un thème – la naissance de l’amour – et d’un style : le mélange de préciosité et de familiarité. Cette expression révèle aussi tous les obstacles qui se mettent en travers de l’amour. Ceux-ci peuvent être les préjugés sociaux, les feintes de l’amour, les esquives pour cacher les sentiments, etc. Globalement, le marivaudage montre un amour comme source d’agitation et d’inquiétude. Le théâtre de Marivaux souligne également le pouvoir de la séduction dans l’amour et le thème de la métaphysique du cœur.

    L’importance du style dans le marivaudage

    La préciosité se présente sous la forme de la naissance de l’amour tel qu’il est conçu au XVIIe : il tient à l’habit, au paraître. La familiarité se développe plutôt dans le discours puisque les valets et intendants ont souvent un grand rôle à jouer dans les pièces de Marivaux. Ainsi, le dramaturge crée un style démystifiant le côté trop froid de la préciosité et de la sophistication.

    Le marivaudage, c’est avant tout un jeu sur les différents registres de langues qui permettent à la fois d’obtenir un ton sérieux tout en étant comique. Les interlocuteurs jouent du dit et du non-dit. C’est cet espace de jeu qui permet aux sentiments de naître et aux plans des uns et des auteurs d’aboutir au résultat attendu.

    Il va de soi que, pour du théâtre, le dialogue est capital. Il l’est encore plus dans les pièces de Marivaux puisqu’il permet d’accélérer ou de décélérer l’allure de la pièce pour permettre les reprises et les surprises qui constituent la stylistique du marivaudage. Il faut donc être attentif aux termes qui sont repris de façon inattendue qui permettent de faire avancer l’intrigue. En effet, le marivaudage pourrait avant tout se définir par l’art du défi verbal.


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