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    2 août 2022

    Le rapport de Brodeck de Philippe Claudel

    Le rapport de Brodeck de Philippe Claudel

    Le rapport de Brodeck, écrit en 2007 par Philippe Claudel rapporte des mémoires d’après la guerre. On ne sait pas vraiment laquelle, ni dans quel village se situe l’action, mais cela n’a pas d’importance : il s’agit d’un non-lieu, ou plutôt d’un village qui peut être partout. Ce roman sur l’acceptation de l’autre et la façon dont on vit ses erreurs a été récompensé par le prix Goncourt des lycéens.

    Résumé du roman Le rapport de Brodeck

    Brodeck vit dans un petit village isolé et bien tranquille. Cependant, un soir, il se rend dans l’auberge Schloss, simplement pour acheter du beurre. Cependant, lorsqu’il arrive, un drame a eu lieu. Tous les hommes du village sont réunis là et la tension monte, Brodeck ne sait pas s’il pourra sortir de l’auberge sans problème car tous ont l’air menaçant. Il devient à nouveau la cible de ces bêtes meurtrières : on lui commande un rapport expliquant pourquoi cet assassinat s’est produit, afin qu’on les comprenne et qu’on leur pardonne.

    Mais à qui est destiné ce rapport ? Pourquoi forcer Brodeck à l’écrire et combien de temps encore va-t-il être surveillé comme s’il était une proie, un danger pour les villageois ? Brodeck se retrouve dans une situation assez complexe dont il doit se sortir, mais la source du malaise semble être plus profonde que ce meurtre de celui que tout le monde appelait "l’autre" et dont tout le monde se méfiait. Alors, Brodeck révèle au lecteur, au fur et à mesure de son récit et dans un désordre perturbé la position qu’est donnée à "l’autre", à l’étranger dans ce village troublé par l’après-guerre.

    Une question de culpabilité d’après-guerre

    Je m'appelle Brodeck et je n'y suis pour rien.

    Dans cette histoire, tous les hommes ressentent à un moment ou à un autre la culpabilité de leurs méfaits, ou presque ! Ce n’est pas une histoire de victime ou de coupable, tous luttent contre les penchants humains dans une période d’après-guerre troublée par le retour des disparus et par le mutisme des victimes déshumanisées.

    Culpabilité des coupables qui demandent pardon

    Tout d’abord, il y a ceux qui veulent se racheter et demander pardon aux "victimes", aux autres, les étrangers que la société a rejetés pour se protéger, sous la domination d’un parti militarisé. Parmi eux, il y a le vieil homme qui semblait attendre un invité inconnu et qui prend soin de Brodeck quelques jours pendant son long voyage vers son village. À travers lui, c’est le pardon général qu’il demande, pour toute une partie de l’humanité. C’est le symbole de la prise de conscience tardive et malheureuse, il est l’allégorie de la culpabilité humaine.

    Lorsque Brodeck rentre chez lui, dans ce village qui pourrait être n’importe lequel d’après la Seconde Guerre mondiale et l’affreuse réalité de la Shoah, nous retrouvons Diodème. Il est l’un des seuls à ne pas avoir un nom à la consonance allemande et qui sort d’un système pour avouer ses torts, bien qu’il le fasse de manière détournée. Jamais il n’affronte la réalité de ce qu’il a causé, mais au moins, il demande pardon et la culpabilité le prend à la gorge jusqu’à sa mort.

    Il y a aussi l’aubergiste, Schloss, qui semble finir par avoir des remords. Ce n’est pas tant que ça vis-à-vis de ce qu’il a fait qu’il ressent de la culpabilité. Non, il s’agit plutôt d’un remords par rapport à ce qu’il aurait pu faire, ou peut-être osé faire si sa femme avait été en vie. Mais voilà, c’est panser ses blessures en se déresponsabilisant une nouvelle fois de ce qui n’aurait jamais pu être.

    Fausse culpabilité : la volonté d’oublier

    Enfin, si tous se sont dit, sur le moment de la dénonciation d’un des leurs, qu’ils protégeaient à la fois leur vie, le village qu’ils agissaient pour le bien du plus grand nombre, certains hommes n’ont jamais ressenti la moindre culpabilité. Brodeck devient un objet gênant car il ne permet pas de passer à autre chose, il empêche l’oubli de s’installer et d’offrir à nouveau la sérénité.

    Alors, pour eux, quand Brodeck revient après son internement dans un camp de concentration, après avoir été dénoncé, cela surprend tout le monde. Cela crée une ambiance de méfiance et de tabou autour de son retour. D’ailleurs, ils pensaient ne plus jamais le revoir et avaient inscrit son nom parmi le tableau des morts pendant la guerre.

    Puisque, dans leur volonté d’oublier, les villageois ont érigé un monument aux morts que personne ne regarde vraiment. Pour le rendre plus acceptable aux yeux de tous, "coupables" et "victimes" sont ensemble réunies dans leur destinée finale : ainsi les bourreaux sont inscrits sur le tableau auprès des victimes. Ils sont même placés en haut du monument car, nous le savons tous, ce sont les premiers noms qui remportent la majeure partie de l’attention. Ironie de l’histoire : même les vivants sont enterrés avec les morts, pour oublier plus vite certainement.

    Culpabilité des victimes qui doivent vivre avec leur nouveau traumatisme

    Ensuite, un autre type de culpabilité traverse ce roman. C’est celle de Brodeck, la victime qui rentre vivante chez elle alors que tant d’autres sont morts. Tous ces corps qu’il a vus exécutés étaient pourtant similaires au sien, lui qui a bien conscience qu’un homme peut être remplacé par un autre facilement dans les camps qui le meurtrissent.

    Brodeck représente aussi la culpabilité de la victime qui redevient homme et qui se rend compte de la manière dont il a agi. En effet, il s’en veut d’avoir volé de l’eau à une femme et son bébé alors même qu’ils étaient sur le point de mourir. Il s’en veut aussi de ne pas avoir forcé son ami à continuer de courir et de l’avoir laissé se faire tabasser à mort. Toutefois, ce qu’il regrette le plus, c’est d’être devenu le chien Brodeck, celui qui a volontairement perdu son humanité pour rester en vie en obéissant à ses bourreaux. Globalement, il ressent la culpabilité d’être coupable sans comprendre pourquoi, puisque c’est ce qu’on lui a appris par le traitement qu’il a subi.

    Enfin, ce sont les villageois qui vont culpabiliser Brodeck en l’entraînant contre son gré dans une histoire de laquelle il a été exclu. De cette façon, les hommes regroupés forment les loups qui enserrent la brebis et la lacèrent en déversant leur propre culpabilité dans celui qui représentera à tout jamais "l’autre".

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    Un roman entre soumission et résistance : du rapport au journal mémoire

    Je resterai toujours quelque part Chien Brodeck, un être qui préfère la poussière à la morsure, et c'est peut-être mieux comme cela.

    Ce que nous découvrons dans ce roman, ce n’est donc pas vraiment le rapport que doit écrire Brodeck à la suite du drame qui a eu lieu. Au contraire, nous lisons son "journal intime", ou plutôt, ses mémoires telles qu’elles lui reviennent. Ce sont alors des bribes de vie d’avant la guerre, des horreurs qu’il a connues dans les camps et sa nouvelle vie dans son village qu’il offre au regard du lecteur. Un lecteur qui ne doit pas exister selon lui, un confident qui ne lira pas son manuscrit. Mais c’est son acte de résistance.

    En effet, si on lui demande un rapport détaillé mais impersonnel expliquant pourquoi le drame a eu lieu dans le village, lui va expliquer dans son propre journal ce que personne ne veut savoir. Personne ne peut cacher la peur de l’inconnu au moment où chacun veut effacer de sa mémoire les horreurs de la guerre et les fautes que tous ont commises. Le rapport sera la face visible de l’iceberg, ses mémoires le véritable enjeu de ce qui se déroule dans un village qui ne veut plus de lui.

    Cependant, il ne cédera plus, à hauteur d’homme, il lutte contre le mensonge et les faux-semblants. En écrivant, les villageois voulaient lui mettre une pression de plus sur les épaules, mais l’écriture est un bon remède pour celui qui a besoin de mettre des mots sur ce qu’il a vécu. Et en voulant réprimer la vérité et les sentiments d’un homme qui rejette le mal, ces hommes vont permettre à Brodeck de se libérer d’un lieu qui l’emprisonne sans cloison. Il trouve enfin le courage et le bonheur de partir.

    D’ailleurs, comment ne pas voir l’évolution de Brodeck et son sentiment de libération lorsque même la mort des renards, inexpliquée et dont personne ne se soucie à part le narrateur révèle qu’il restait en fait bel et bien un renard en vie. Et si un se lève contre la mort, peut-être que d’autres aussi, comme Brodeck et comme ce renard, sont cachés dans les bois en attendant de trouver quelqu’un qui acceptera de les voir.

    Citations :

    C’est un métier de raconter des histoires, ce n’est pas le mien […].
    J’ai vu dans le camp comment on pouvait utiliser les mots et ce qu’on pouvait leur demander.
    "Quand le troupeau a fini par se calmer, il ne faut pas lui donner des raisons de remuer de nouveau."
    Si mon récit ressemble à un corps monstrueux, c’est parce qu’il est à l’image de ma vie, que je n’ai pu contenir et qui va à vau-l’eau.

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    // lastname: Claudel // firstname: Philippe // title: Le rapport de Brodeck