Définition et caractéristiques de la littérature d'anticipation
Le genre littéraire de l’anticipation est une œuvre de fiction dont l’action se déroule dans un futur proche ou lointain. Il permet aux lecteurs de repenser le monde dans lequel ils vivent à partir de ce qu’il pourrait devenir. Cette littérature fait son apparition dans la seconde moitié du XXe siècle et chacun s’accorde à dire que Jules Verne en est le précurseur.
Comment définir la littérature d’anticipation ?
La littérature d’anticipation s’intègre dans la science-fiction en général. L’histoire se déroule automatiquement dans un cadre rappelant le monde actuel, à la seule différence près que la narration a lieu dans un futur plus ou moins proche. Pour plonger le lecteur dans un monde qui pourrait être le sien dans quelques années, quelques siècles ou quelques millénaires, les auteurs n’hésitent pas à intégrer des événements de notre présent pour projeter le lecteur dans cet autre univers qu’il crée.
La littérature d’anticipation permet de réfléchir aux modes de la société, aux intérêts et aux risques liés aux avancées technologiques et scientifiques. Le monde décrit doit être probable, vraisemblable pour le lecteur qui se plonge dans la narration. Tout l’enjeu du genre est là : faire réfléchir à un monde possible qui est ou n’est pas désirable pour amener le lecteur à penser, non pas seulement à son futur, mais aussi aux futures générations.
Globablement, qualifier un récit d’anticipation de science-fiction est juste. Toutefois, la SF couvre un plus grand nombre de thématiques et inclus, entre autres, le fantastique, l’uchronie, l’anticipation, la dystopie, etc.
Pour que le récit soit une anticipation, il faut s’intéresser en premier lieu à la vraisemblance du monde décrit. Pour différencier les deux éléments, nous pouvons envisager la SF comme un récit qui invente une technologie, là où la littérature de l’anticipation s’appuie sur des technologies déjà existantes.
Les thématiques privilégiées dans les œuvres anticipatives
La littérature d’anticipation privilégie certains thèmes par rapport à d’autres. Toutefois, ils se recoupent tous puisqu’ils s'influencent entre eux. Ainsi, la science se met au service de la technologie et inversement, quitte à transgresser les limites de l’éthique que chaque société s'impose.
Les auteurs portent un grand intérêt à la technologie
Le grand vainqueur demeure sans conteste la technologie. En effet, l’homme est le seul être vivant à créer des objets et à développer une technologie. Cela fait donc de lui un être à part, ayant la possibilité de transformer le monde dans lequel il vit.
Au cours de millénaires de vie, l’homme n’a d’ailleurs pas inventé que des outils technologiques allant dans le sens d’une évolution positive du monde. En tout cas, une grande partie des créations peuvent être rapidement détournées pour atteindre des objectifs moins louables. Par exemple, les armes qui servaient à se défendre contre des animaux ont été utilisées pour exterminer son prochain, la bombe atomique trouve encore aujourd’hui sa place dans les débats, etc.
Toutefois, l’auteur ne déplore pas toujours l’invention en elle-même. Il se méfie plutôt de l’utilisation que chacun fait de ses outils. Ainsi, même une puce servant à se localiser pour retrouver sa route peut servir d’instrument de surveillance de masse. Internet devient un élément de contrôle des faits et gestes, etc. D’autres fois, l’auteur décide plutôt d’offrir un regard optimiste (mais les cas sont plutôt rares) et ils trouvent de nouvelles inventions, à partir de celles existantes, menant à un monde plus juste.
Les progrès scientifiques au cœur des récits d’anticipation
Les progrès scientifiques jouent également un grand rôle dans la littérature d’anticipation puisqu’elle vient catalyser ce que pourrait être notre avenir. En effet, Jules Verne a pensé aux voyages sur la Lune grâce aux technologies de son époque et nous pensons aux voitures volantes pour désembouteiller la circulation ainsi qu’aux voitures qui se conduisent toutes seules grâce aux avancées technologiques de notre époque qui le permettraient.
Outre les avancées matérielles, chacun pense également aux révolutions liées au corps de l’homme. Entre les découvertes génétiques perpétuelles, les reconstructions de visages donnant naissance à la chirurgie, l’amélioration des soins médicaux, etc., tout semble possible. Au point que nos auteurs pensent à tout ce que pourraient rechercher les scientifiques dans leur recherche de connaissances. C’est-à-dire, entre autres : le clonage, la modification génétique de l’homme (ou de l’animal), la vie éternelle, le bonheur perpétuel, etc. Toutefois, les thématiques partent toujours d’un élément de spéculation puisque les auteurs doivent voir plus loin que leur époque.
L’anticipation relève souvent de la critique de la société
Écrire une œuvre d’anticipation relève définitivement de la littérature engagée dans le sens où elle pousse le lecteur à réfléchir sur le monde dans lequel il vit et sur ce qu’il pourrait devenir. Il incite ainsi chacun à prendre ses responsabilités dans le monde dans lequel il vit et prouve, de la part de l’auteur, d’une certaine perception du monde actuel.
La question de l’éthique est au centre du questionnement des auteurs
La technologie amène également un autre sujet sur la table : celui de la science en général. En effet, ces inventions sont les créations des scientifiques. Toutefois, les hommes se posent encore la question de l’éthique par rapport au progrès scientifique, notamment lorsqu’il touche à l’humain.
En effet, la question de l’éthique se pose dès que nous approchons de la notion de connaissance du corps des êtres vivants et de ses capacités. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il existe une dualité entre ce qu’un homme est prêt à faire endurer à un autre être vivant "pour l’évolution de la connaissance et de la science" et ce qui est juste de faire. Rappelons que de nombreuses avancées scientifiques ont eu lieu grâce aux guerres mondiales et aux expérimentations faites sur les êtres vivants.
Malgré tout, la science ne doit pas dépasser les notions de bien et de mal et la limite est parfois difficile à poser. En effet, la question que chacun se pose est : "je sauve qui entre une personne qui souffre maintenant, mais qui peut faire avancer la science et des milliers de gens qui pourraient être sauvés si les recherches aboutissent". Il s’agit d’une question d’éthique à laquelle les auteurs s’intéressent.
Quand la science et la technologie transforment l’humain
Avec cette notion d’éthique en tête, nous comprenons bien que ce qui intéresse souvent les auteurs d’anticipation touche au corps humain et à la façon dont il vit. Ainsi, il lutte aussi bien pour la liberté de chacun (attention aux technologies de contrôle, l’asservissement volontaire pour le confort, etc.) que pour ce qu’il considère être le bien de l’homme.
Les auteurs se méfient notamment des transformations de l’être humain en anticipant ce que cela pourrait engendrer socialement. Le transhumanisme étant le premier degré de ces modifications volontaires, il devient rapidement tolérable face à l’eugénisme proposé par les scientifiques, voulant former l’être humain selon leurs désirs. L’auteur sensibilise alors les lecteurs sur ce genre de dérives qui nuiraient grandement au libre arbitre de chacun, à la diversité, etc.
Se questionner sur le monde qu’on laissera
Évidemment, l’écologie, la qualité de vie, les guerres et ces autres sujets moins directement liés aux avancées technologiques entrent aussi en jeu. La littérature de l’anticipation permet également de se servir du mode de pensée de la société dans laquelle il vit pour montrer ce que cela peut donner comme résultat s’il n’y a pas de remise en question.
Ainsi, il met en garde contre le désir frénétique d’être propriétaire et de faire construire, contre la société de consommation, contre le réchauffement climatique, etc. Chacun à son rôle a joué et si l’auteur critique la société, c’est pour mieux la sortir des pièges dans lesquels elle pourrait tomber si aucune remise en question n’avait lieu.
Attention ! Alors que le roman de Science-fiction peut s'axer simplement sur la mécanisation du corps, etc. ; le roman d'anticipation va s'évertuer à donner un aspect psychologique et social à cette notion. Les auteurs cherchent à faire réfléchir sur ce genre de sujet et non pas seulement à "distraire".
L’auteur de roman d’anticipation : un visionnaire ?
L’auteur de roman d’anticipation à la lourde tâche d’imaginer ce que serait le futur à partir du monde dans son état actuel. Dans l’idée, il veut se rapprocher le plus possible d’un monde tel que nous pourrions le connaître.
Certains auteurs de ce genre de la science-fiction nous ont d’ailleurs surpris puisqu’ils développent des éléments dans leurs livres rappelant le monde d’aujourd’hui. Ces auteurs du passé (XXe siècle pour la plupart) parvinrent alors, à leur époque, a si bien comprendre le temps dans lequel ils vivaient qu’ils ont pu distinguer le monde tel qu’il serait.
Cela donne l’image d’un auteur visionnaire, capable de lire le futur dans le présent. Ils se sont parfois illustrés en inventant en avance la télévision (référence au télécran de G. Orwell dans 1984), d’autres comme Barjavel ont pensé en avance à la destruction des milieux naturels. En réalité, ils partent souvent d’une technologie déjà existante ou en développement pour créer ce qui existera. Certaines de leurs "prophéties" restent tout de même assez impressionnantes.
Quelques romans d’anticipation pour accroître sa culture générale :
- Paris au XXe siècle de Jules Verne (1863) ;
- De la terre à la lune, Jules Verne (1865) ;
- Le meilleur des mondes, Aldous Huxley (1932) ;
- Ravage de René Barjavel (1943) ;
- 1984 de George Orwell (1949) ;
- Fahrenheit 451, Ray Bradbury (1953) ;
- Malevil, Robert Merle (1972) ;
- La servante écarlate de Margaret Atwood (1985) ;
- La zone du dehors, Alain Damasio (2007).
Lien entre littérature d’anticipation, utopie et dystopie
Généralement, nous pouvons constater que les auteurs de littérature d’anticipation prennent un angle soit positif, soit alarmiste lorsqu’ils évoquent notre futur. Il existe rarement un « juste milieu » ou un regard plutôt neutre et qui se voudrait simplement anticipatif sur notre futur.
Cela nous amène à évoquer le caractère souvent utopique ou dystopique du roman d’anticipation. L’auteur choisit alors de croire en un futur meilleur grâce aux progrès scientifiques et technologiques, ou d’amener le lecteur à réfléchir sur les possibles dérives liées à l’utilisation de ces avancées humaines.