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    8 mars 2022

    Des souris et des hommes de J. Steinbeck

    Des souris et des hommes de J. Steinbeck

    Des souris et des hommes, c'est l'un des livres les plus lus et celui qui a propulsé John Steinbeck sur le haut de la scène littéraire dès sa sortie. Ce best-seller a su toucher par sa simplicité, sa rapidité enivrante et par le symbolisme de cette histoire qui raconte l'amitié et ce que cela implique pour l'autre d'avoir un proche. C'est aussi l'histoire des rêves que l'on sait impossible mais qui nous poursuivent jusqu'à nos derniers jours, avec les espoirs qu'ils font naître en nous et les déceptions liées au retour à la réalité.

    Des souris et des hommes en quelques mots

    Le roman Des souris et des hommes évoque l'amitié entre George, petit et malin, et Lennie, un grand géant à l'âme d'enfant. Les deux hommes voyagent de ranch en ranch afin de travailler un certain temps et amasser suffisamment d'argent pour s'acheter une ferme. Toutefois, la route n'est pas aisée pour ceux qui ne sont pas dans la norme dans un monde de violence et de rêves brisés. La tragédie de tout homme ne tardera pas à avoir des répercussions directes sur la vie des deux compagnons de route...

    Un livre sur le ton de la pièce de théâtre tragique

    Des souris et des hommes sont un court roman, mais il rappelle tout de même une pièce de théâtre en plusieurs points. La construction de son récit est la première cause de cette impression.

    Respect des trois règles du théâtre classique : temps, lieu, action

    John Steinbeck disait avoir des difficultés à écrire un roman sans se perdre dans les actions qui pourraient se dérouler autour de l'histoire principale et c'est pour cela qu'il s'est imposé une règle d'écriture digne des dramaturges classiques : la règle des trois unités.

    Pour organiser son écriture, il décide alors de placer son histoire dans un seul lieu (une ferme située quelque part en Californie). Toutefois, il ne se prive pas d'évoquer d'autres zones géographiques, seulement dans son discours, afin d'offrir une contextualisation importante au lecteur.

    En termes de temps, nous apprenons au cours de la lecture que toutes les péripéties évoquées se déroulent en quelques jours seulement. Cette information nous est offerte grâce à l'évocation du moment de la paie, des jours de congé, etc. L'action aide également à se situer puisqu'elle se concentre sur les moments de repos entre les heures de travail, autrement dit : les soirs et les midis.

    Multiplication des dialogues rappelant le théâtre

    De plus, Steinbeck écrit son roman dans une forme principalement dialogique. La plupart des événements ne sont pas racontés mais vécus. Le récit s'intéresse donc principalement aux personnages sans expliquer ce que ressentent les personnages. Ce que l'on sait deux, ces eux-mêmes qui veulent bien nous le révéler.

    Les chapitres font également penser à des actes, comme pour une pièce de théâtre. Il y a tout d'abord la description d'un lieu, l'apparition progressive des personnages, les péripéties et enfin le final, ici, tragique. Ici, il ne s'agirait pas d'une pièce en cinq actes mais en six, chaque chapitre tenant en son sein un événement bien précis menant à la suite. Globalement, pour chaque action importante nous passons à un nouveau chapitre.

    Les éléments de la tragédie intégrée dès le début de l'œuvre

    Ce roman qui fait penser à une pièce de théâtre se placerait donc dans le genre de la tragédie. En effet, dès le début de l'œuvre, nous sommes amenés, en tant que lecteurs, à découvrir le drame qui a conduit George et Lennie sur les routes. Ce dernier étant très maladroit et un peu simple d'esprit, conduit les deux hommes à fuir la ferme dans laquelle il travaillait car il s'est mis à caresser les cheveux d'une jeune fille, effrayée, qui s'est plainte autour d'elle et a même raconté avoir été violée.

    Les deux personnages poursuivent donc leur rêve et cherchent à gagner de l'argent, mais dès le début, l'incapacité de Lennie a comprendre réellement ce que lui raconte George semble rappeler que les ennuis ne sont pas derrière eux. D'ailleurs, dès le premier chapitre, une séparation entre les deux hommes se dessine, tout comme le drame final...

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    Parler de l'amitié et de la nature humaine

    Si John Steinbeck écrit ce roman sous la forme d'une pièce de théâtre, cela rappelle également à quel point l'Homme est au centre de sa réflexion dans cette œuvre et dans un grand nombre de ses ouvrages. En effet, c'est avant tout la nature humaine dont il nous parle, à nous, lecteurs.

    S'allier contre la solitude environnante

    Avant de comprendre la solitude des personnages, nous découvrons une amitié qui sert à lutter contre ce sentiment d'isolement qui semble si pesant à tous. Ainsi, George et Lennie voyagent ensemble, l'un causant des soucis à l'autre, mais cela ne vaut-il pas mieux que d'être complètement seul ?

    C'est ce que semblent penser nos personnages, car même si George est fatigué des erreurs de son partenaire de voyage et de travail, il sait qu'il s'agit aussi d'une chance :

    Les types comme nous, qui travaillent dans les ranches, y a pas plus seul au monde. Ils ont pas de famille. Ils ont pas de chez-soi. Ils vont dans un ranch, ils y font un peu d'argent, et puis ils vont en ville et ils le dépensent tout... et pas plus tôt fini, les v'là à s'échiner dans un autre ranch. Il ont pas de futur devant eux. [...] Pour nous, c'est pas comme ça. Nous, on a un futur. On a quelqu'un à qui parler, qui s'intéresse à nous.
    (Chapitre I)

    Alors, même si parfois ils se sentent seul, ils ne le sont jamais complètement et l'un veille sur l'autre, même si la pareille est plus difficile. Cette amitié surprend les autres travailleurs, cela les rend suspect dans une société où la solitude est de coutume.

    Toutefois, cette association entraîne aussi une responsabilité pour George : il doit se charger de tuer son ami lorsque celui-ci provoquera la mort d'une femme. En effet, Lennie est condamné à mort par les autres travailleurs de la ferme. Il en est donc de la responsabilité de George de sceller le destin de son ami, afin de lui éviter au moins la violence d'une mort qu'il ne pourrait pas comprendre. Pour son dernier voyage, George lui permettra au moins de rêver encore un peu plus longtemps de leur projet et il partira sans souffrance et sans violence.

    Cette responsabilité qui lui est imposée est d'ailleurs rappelée par la Candy, qui scelle vraiment le destin de Lennie sans le savoir :

    Candy dit :
    - George.
    - Oui ?
    - C'est moi qu'aurais dû tuer mon chien, George. J'aurais pas dû laisser un étranger tuer mon chien.
    (Chapitre III)

    Ainsi, George qui devait s'occuper de son ami comme d'un enfant un peu trop grand et un peu trop fort, et qui a espéré pouvoir l'enfermer comme un fou ou comme un animal de compagnie, se résout à offrir une mort digne à son ami, dans la bienveillance.

    La solitude des hommes de l'histoire est une norme

    Les autres personnages subissent également la solitude à travers tout le récit. En effet, qu'il s'agisse des travailleurs comme des maîtres, tous ont un fardeau à porter sur leurs épaules. D'un côté, il y a des hommes qui voyagent toujours seuls, de l'autre, la femme de Curley qui est en manque d'attention. Tous font de leur mieux pour lutter contre ce qui les ronge. Toutefois, ce sont tout de même les reclus et les inadaptés qui sont les plus seuls.

    Parmi ceux les plus touchés, il y a évidemment le vieux Candy qui n'intéresse plus personne car il n'est plus bon à grand chose. On lui prend d'ailleurs la seule compagnie qui lui reste : sa vieille chienne qui ne tient plus bien debout. On lui fait d'ailleurs comprendre que tout être vivant peut être remplacé. Alors, à la place de sa chienne il peut avoir un chiot de la portée qui vient de naître, et à sa place plus tard viendra quelqu'un de plus jeune et plus compétent.

    Il y a également Crooks, ce travailleur noir avec qui on accepte de jouer à l'extérieur au lancé de fer à cheval, mais qui reste un noir à qui on ne parle pas et qui doit loger seul. Il est tellement écarté des autres qu'il en vient à refuser qu'on le visite, comme une défense contre l'interdiction de dormir avec les autres travailleurs. Il est d'autant plus seul que cela le rend méchant. Il n'hésite pas à s'en prendre à Lennie, ce géant au cœur d'enfant, en se sentant supérieur le temps de quelques échanges qui ne durent évidemment pas... Son origine lui étant violemment rappelée.

    L'échec du rêve à accomplir en période de Grande Dépression

    Cette solitude et cette vie de route traduisent assez bien la Californie du temps de John Steinbeck. En effet, le roman nous pousse à méditer sur la période qu'ont connue les Etat-Unis en 1930 : la Grande Dépression. En effet, le "rêve américain" et l'espoir d'avoir un chez soi, dans l'abondance matérielle, est largement remise en question par le krach boursier de 1929. La zone de la Californie qu'évoque Steinbeck est alors une sorte de grand Far Weist où la majorité des espoirs se perdent.

    C'est donc un roman de l'échec : celui du rêve. Nos deux personnages principaux sont d'ailleurs convaincus qu'ils pourront acquérir cette petite ferme qu'ils espèrent tant. Leur projet leur semble tellement beau qu'ils parviennent à prendre dans leurs mailles du filet le vieux Candy qui souhaite participer à l'achat de la ferme et leur servir tant qu'il le pourra ainsi que Crooks qui se sentirait plus libre que dans cette ferme.

    Pourtant, Crooks comme Candy savaient que presque tous les hommes rêvent de la même chose et ne parviennent pas à réaliser leur rêve. C'est pourtant un espoir qu'ils veulent avoir, comme tous les autres, d'un avenir meilleur. Ce qui rend d'autant plus tragique ce roman consiste bien en cela : l'espoir d'un avenir meilleur pour les personnages que nous affectionnons. Toutefois, Crooks sera le premier à se rappeler que ce rêve est une chimère lorsqu'on lui rappelle sa couleur de peau. Puis George et Candy doivent se résoudre à abandonner l'idée d'une retraite paisible lorsque Lennie provoque le dernier drame.


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    Sinon...
    Rentrée 2020, Nature Humaine de Serge Joncour - Culture Livresque
    Nature humaine est le douzième roman de Serge Joncour. Il a reçu le Prix Fémina 2020 décerné le 2 novembre pour ce roman monumental sur l’histoire de la France vécue à travers les yeux d’un paysan...
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    // lastname: Steinbeck // firstname: John // title: Des souris et des hommes