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    28 juin 2022

    Du mouvement et de l’immobilité de Douve

    Du mouvement et de l’immobilité de Douve

    Du mouvement et de l’immobilité de Douve est un recueil de poésie écrit par Yves Bonnefoy. Sa sortie en 1953 est marquée par une renommée immédiate par la critique. L’œuvre est saluée pour sa singularité et cela fait de ce poète une grande voix dans le monde littéraire de l’époque. Mais comment lire cette œuvre aussi belle que complexe ? Partir à la découverte de poète qui voit la poésie comme un chant est sans conteste une aventure.

    Imaginaire et poétique d'Yves Bonnefoy

    Yves Bonnefoy développe, dans sa poésie, un imaginaire et une poétique bien à lui. Cela rend sa poésie très singulière et parfois difficilement approchable. Toutefois, comprendre son parcours littéraire et ses obsessions poétiques aide à entrer dans l’œuvre si particulière de cet auteur.

    Les traces de sa rencontre avec le surréalisme sur sa poésie

    Il faut savoir qu’Yves Bonnefoy a fréquenté le cercle des surréalistes après avoir fait la connaissance d’André Breton. Cette rencontre marque profondément sa poésie. Toutefois, il comprend assez rapidement où sont les limites de cette poétique et va prendre ses distances avec ce mouvement. En effet, il sait que les images sont faites pour créer du beau, mais s’il va trop loin dans cette création, alors il sort de la réalité.

    Mais, ce qu’Yves Bonnefoy cherche avant tout, c’est le réel. Il se tourne alors vers une poésie plus simple, de la vie quotidienne. Pour cela, il se rapproche d’une poésie plus classique pour son temps et Baudelaire ne manquera pas de l’inspirer au quotidien. Son recueil rappelle d’ailleurs le poème "La Charogne" qui développe la même thématique.

    Malgré tout, le surréalisme ne le quittera jamais entièrement puisqu’il continue, à travers son œuvre, à produire des alliances paradoxales de mots et parvient à créer des images dignes des plus grands surréalistes. Ainsi, le froid saigne et la foudre tache les vitres, entre autres.

    Les images poétiques du poète : les quatre éléments, le jour et la nuit

    Quand Yves Bonnefoy écrit Douve, il pense qu'il est important de ne pas s'installer dans un mode de penser. Il souhaite faire réagir le lecteur. Pour cela, il se sert des éléments en s’inspirant de la philosophie de Gaston Bachelard afin de traduire le concret par l’abstrait. Il joue sur la densité et la matière des arbres, de la pierre, de l’eau et du feu pour enrichir sa poétique et transmettre l’immédiat.

    Outre l’importance des éléments fondamentaux, Bonnefoy écrit un recueil teinté de noirceur et de lumière. Du mouvement et de l’immobilité de Douve est principalement un recueil nocturne. Les occurrences en rapport avec la nuit sont deux fois plus nombreuses que celles autour du jour et de la lumière. La lumière reste toutefois présente à travers des images poétiques répétitives telles que la présence de lampes et du feu. Ce feu est d’ailleurs perçu de prime abord comme un élément de destruction avant de devenir le feu intérieur à la connotation bien plus positive.

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    Comprendre la composition du recueil d’Yves Bonnefoy

    Cette œuvre poétique écrite par Yves Bonnefoy accueille une figure mystérieuse : Douve. Son importance est telle qu’elle s’immisce dans le titre du recueil. Lorsqu’il écrit ces poèmes, il s’extirpe à peine du mouvement surréaliste dont il a compris les limites. Il reproche aux poètes surréalistes de trop jouer sur les mots et les images, quitte à en oublier la vérité. Toutefois, le passage du surréalisme à un autre mouvement littéraire se fait encore hésitant dans cette œuvre. Ainsi, cette œuvre oscille entre de la poésie du genre de Baudelaire et celle du surréalisme.

    Les prémices de la création littéraire

    Petit retour sur les prémices de l’écriture de Du mouvement et de l’immobilité de Douve. Cette création littéraire, comme beaucoup d’autres, ne s’est pas faite en un jour. Il a fallu à Yves Bonnefoy écrire une petite plaquette nommée Théâtre de Douve dont certains extraits ont été publiés dans le Mercure et dans La part du Sable avant qu’il n’ose exprimer pleinement son monde intérieur.

    S’il a d'abord écrit des nouvelles fictives qui se sont avérées être un échec, il en a tout de même sorti les poèmes de Douve. Il explique qu’il avait écrit une nouvelle où des individus étranges se sont rendus à Paris dans l’unique but de ruiner des pans entiers du monde. Ces hommes devaient répandre du noir en brisant les systèmes de représentation habituels (un peu comme des surréalistes !).

    Au fur et à mesure de son travail d’écriture, la figure de Douve a pris tellement d’importance qu’il a terminé sa nouvelle sur 7 poèmes dédiés à cette personne. Toutefois, il ne nous reste rien du récit puisqu’il l’a déchiré pour n’en conserver que les poèmes dédiés à Douve qu’il a ensuite augmentés, ce qui a donné le recueil ici présenté.

    Composition définitive de l’œuvre littéraire

    "Je voudrais que la poésie soit d'abord une incessante bataille, un théâtre ou l'être et les sens, la forme et le non formelle se combattront durement."

    À la fin de son travail d’écriture, l’œuvre se compose de 5 sections comme nous trouverions 5 actes dans une pièce de théâtre classique. Ceci n’est pas une coïncidence puisque le théâtre a toujours beaucoup attiré ce poète. Toutefois, s’il aimait la liberté du théâtre de Shakespeare, il était déçu par le théâtre plus réglé de Corneille et de Racine.

    Il tente également de suivre une progression, comme pour raconter une histoire sous la forme d’un mouvement. Pour cela, il démarre de la noirceur de la mort pour mener son lecteur vers la lumière. Cette fuite vers l’avant mène à la destruction d’un chemin pour trouver, dans la dernière section de l’œuvre, le « vrai lieu » qui n’est pas un lieu idéal à la manière d’une utopie, mais un endroit où l’on peut se souvenir de la finitude.

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    Qui est Douve ? Une figure féminine mystérieuse

    Le recueil d’Yves Bonnefoy s’ouvre sur une parole adressée. Toutefois, le lecteur demeure ignorant face à l’identité de cette personne. Il s’agit là du premier mystère qui entoure l’identité de celle que nous découvrirons sous le nom de Douve. Cette personne reste d’ailleurs inconnue même lorsqu’elle est nommée et elle se réduit à cette fusion du "je" et du "tu" dans un "nous". Cela fait d’elle l’emblème de la poésie et de son caractère énigmatique.

    Douve ou la mort au centre du récit poétique

    À chaque instant je te vois naître Douve

    Tout comme notre connaissance autour de la figure de Douve, le récit est troué. En effet, nous savons qu’Yves Bonnefoy traduit dans son recueil le déroulement d’un processus : celui du passage de la vie à la mort. Pour nous faire comprendre ce passage, nous assistons à la dislocation de Douve. Le poète explore le corps et le montre au lecteur dans l’intention philosophique de montrer la finitude de la condition humaine.

    Toutefois, l’objectif de notre poète n’est pas tout à fait de nous montrer seulement la mort dans ce qu’elle a de définitif. Il pense que pour comprendre la vie, il faut aussi explorer la mort. Ainsi, nous découvrons à la fois Douve se disloquer sous l’effet de la mort tout en lisant des passages qui évoquent Douve encore en vie. Et si le poète passe l’épreuve de la souffrance, il ressent une certaine obligation dans l’interprétation de la mort. Alors, le feu devient l’élément de purification, la terre permet à Douve de renaître tel un phénix et son corps reste scellé dans la pierre froide comme la mort.

    Définir la figure de Douve ? Une instance surréaliste déconstruite

    Il est difficile de définir la figure de Douve. Ce dont nous avons conscience, c’est qu’elle est à la fois interne au poète et indépendante de lui. Elle allie également les contraires et cela dès le titre du recueil puisqu’on parle à la fois du mouvement et de l’immobilité de cette figure étrange. Tout ce que l’on sait de sûr, c’est qu’elle possède un corps et que cet aspect physique du personnage aux identités multiples et fugitives est directement lié à la nature.

    C’est probablement dans la troisième partie intitulée "Douve parle" que nous en découvrons en plus sur ce personnage. Dans cette section, la voix est au premier plan bien que la parole de Douve soit dans un entre-deux précaire. Elle se trouve, à cette étape de la poétique de Bonnefoy, aux prémices d’une renaissance qui se dessine partiellement.

    Toutefois, si Douve parle, elle ne peut le faire qu’à travers la figure du poète. Les voix se multiplient également à travers cette instance dominante, ce qui donne au lecteur l’impression d’assister à un chœur évoquant tout ce qu’a pu vivre Douve. Cela participe encore un peu à la déconstruction du personnage, ce qui fait d’elle une instance surréaliste indéfinissable autrement qu’à travers l’existence concrète d’un corps.

    Et par la figure de Douve, c’est toute la poésie qu’il parvient à exprimer, dans ce qu’elle a de plus réel (le mot sur du papier, le concret tant cherché par l’auteur) et dans sa complexité (comment l’interpréter et la construire sans passer par des images surréalistes ?).

    Citations

    Douve à la bouche souillée des dernières étoiles
    Rien ne commencera qu'au-delà de ce voile
    Mourir est un pays que tu aimais
    Toi aussi tu aimes l'instant où la lumière des lampes
    Se décolore et rêve dans le jour.
    Tu sais que c'est l'obscur de ton cœur qui guérit,
    La barque qui rejoint le rivage et tombe.

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    Rien de mieux que de redécouvrir Charles Baudelaire après avoir lu l'un des poètes qui s'est inspiré de lui.
    // lastname: Bonnefoy // firstname: Yves // title: Du mouvement et de l'immobilité de Douve