Le cœur synthétique, Chloé Delaume

J’ai lu le cœur synthétique il y a quelques semaines, le moment est donc venu de vous en parler. Ce roman de Chloé Delaume évoque le destin d’une femme amoureuse de l’Amour. Celle-ci idéalise tellement la relation qu’elle néglige de vivre véritablement cette liaison qu’elle imagine passionnée et vouée au mariage.

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Mise en garde divulgation :
Je dévoile des éléments importants de l’intrigue, donc revenez consulter la critique après avoir découvert l’ouvrage si tel est votre souhait.

Que raconte le roman de Chloé Delaume ?

Malheureusement, notre chère protagoniste oublie une chose : aux yeux des hommes, elle est déjà trop âgée. Adélaïde, 46 ans, se confronte au regard des messieurs et de la société de manière générale sur la femme passée la trentaine. Elle constate que sa beauté conservée ne suffit plus à attirer de nouveaux prétendants. Elle est trop vieille, ou ses proies sont prises. Car oui, pouvons-nous véritablement parler d’affection lorsqu’elle recherche son Vladimir, fantasme de l’époux idéal ? Peut-on également concevoir une relation amoureuse saine et pérenne quand elle enchaîne les mariages pour se sentir apaisée ?

La Parisienne, entourée de ses amies et passionnée par son travail, continue à se mettre en quête d’un conjoint. Peu à peu, sa perception de ce que doit être une vie heureuse évolue. Pourtant, elle ne parviendra pas à se dégager complètement de la construction sociale qu’elle a subie. En effet, bien que ces proches soient lesbiennes, sorcières, célibataires, etc., rien n’y fait. Elle veut le voir dans tous les hommes, Vladimir. Mais deux fins s’offrent à elle : dans la première option, elle reste seule, crée une sororité avec ses amies et meurs tranquillement, dans la seconde, elle se remarie dans un schéma traditionnel.

Mon avis littéraire sur le contenu du roman Le cœur synthétique

Alors que devons-nous penser de ce roman qui ne tranche pas ? Les alternatives semblent profitables à cette chère Adélaïde. Dans tous les cas, elle demeure bien entourée et ne souffre pas de la solitude. L’autrice, en ne se prononçant pas, réduit le schéma social attendu à quelque chose d’optionnel. Tout compte fait, la priorité reste l’épanouissement.

Chloé Delaume aborde ainsi tout à la fois le stéréotype de la femme "périmée" (expression lue dans le livre) après un certain âge et de sa dépendance à un homme pour être heureuse. Globalement, il faudrait à minima être deux pour avoir accès à un confort suffisant (c’est-à-dire ici, un bonheur à deux et une maison plus grande). Toutefois, l’autrice combat autant de clichés qu’elle en propose. En effet, tous les individus "atypiques" ne sont pas des sorcières. Les sororités ne sont pas réservées aux femmes "hors de la norme". Qui plus est, les profils des personnages demeurent presque tous caricaturaux.

Sommes-nous contraints à cela pour déconstruire des prescriptions sociales ? Il m’a paru à la lecture de ce roman que ce point restait contre-productif. Par exemple, le féminisme devient le combat d’une certaine population. Les bons auteurs sont "remplacés" par d’autres qui génèrent plus d’argent, au prix de la qualité. Ou encore, un individu de sexe féminin sans homme (voire seule) se métamorphose en une "femme à chat".

J’adore les livres qui mettent en avant des personnages principaux n’ayant pas entre 15 et 35 ans. Je souhaite que plus de place soit offerte aux autres, encore jeunes ou âgés. Parler également du problème pour trouver un prétendant, passé un âge jugé acceptable, marque encore une inquiétude plus importante qu’on ne le pense. Certaines restent avec leur conjoint de peur de ne pas retrouver l’amour. Cependant, cela démontre encore une fois que nous avons peur d’être seuls et que cela peut nous amener à un manque d’épanouissement. Adélaïde, en cela, est le reflet d’un grand nombre de femmes.

L’autrice propose de créer des sororités pour ces célibataires qui s’émancipent de l’image de la relation matrimoniale. Elle casse ainsi le code et la façon de penser de cette protagoniste amoureuse d’une norme sociale. Toutefois, la déconstruction ne peut pas se faire à partir de caricatures. Adélaïde était entourée de femmes fortes, indépendantes et qui échappent au cadre, mais elle semble ne jamais s’être réalisée, s’être affranchie. Elle subit avant de prendre le cap. Cela arrive souvent et nous déculpabilisons de notre manque d’entrepreneuriat dans ce domaine. Malgré tout, cela paraît venir de sa solitude, alors la question qui se pose est : a-t-elle véritablement envie de sortir de ce schéma, ou y est-elle contrainte par la perception qu’a la société d’une dame de 46 ans ? Qu’elle termine sa vie auprès de ses amies ou d’un homme, est-ce par choix ou par pression sociale ?

Ce que je retiens de cette lecture

Il demeure donc du chemin à faire pour que ce roman puisse me convaincre indéniablement de son apport intellectuel et littéraire. Il semble surtout voué à amener à la réflexion, puisque le style reste très accessible, assez rectiligne et réduit au minimum.

Tout ce que je retiendrai véritablement tient en quelques points :

La protagoniste à 46 ans et se retrouve célibataire par choix.
Elle essaie de sortir (par obligation) d’un schéma social la menant au mariage.
Elle échappait déjà en partie à la norme, car elle ne voulait pas d’enfants.
Tous les personnages sont très caricaturaux et se dirigent vers une sororité pour se soustraire aux codes.
Peut-on bel et bien parler d’émancipation dans ce cas-là ?

Ce livre a su trouver son public et toucher suffisamment la critique pour gagner le prix Médicis. J’ai passé un moment agréable, mais rien ne m’a transcendé. Peut-être suis-je déjà un peu trop déconstruite sur cette thématique pour y voir une véritable porte vers plus de liberté ? Peut-être ai-je raté quelque chose d’important ? En tout cas, j’adorerai lire vos avis et votre ressenti sur cette lecture, alors n’hésitez pas à engager la discussion !

Citations

Elle a son lieu à elle, la voilà autonome, ici sera son royaume, ce deux-pièces est parfait bien qu'il soit minuscule. Ce qui écorche son cœur, c'est l'effet du divorce, même si Adélaïde en est à l'origine.

Se retrouver seule avec elle-même ne constitue pas le problème, le problème c'est l'absence d'amour. Adélaïde se dit : Je vais rencontrer quelqu'un. Elle ajoute à haute voix : Quelqu'un, c'est obligé.

Adélaïde comprend que sa singularité, son refus de faire famille, d'accepter toute famille, la fait passer pour folle, ce n'est pas un atout, autant de liberté. Adélaïde accepte que son profil soit tordu et fasse fuir le plus grand nombre, elle se résout au réel, elle n'est pas adaptée.

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