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    25 avril 2023

    Les Caractères de Jean de La Bruyère

    Les Caractères de Jean de La Bruyère

    Jean de La Bruyère est connu pour être l’auteur d’une seule œuvre, mais pas des moindres. En effet, Les caractères lui a pris toute sa vie pour atteindre son niveau de perfection. Aujourd’hui, ce livre du moraliste demeure comme le témoin d’une époque et de ses idéaux. Il lui a d’ailleurs valu d’intégrer l’Académie française.

    Qui est Jean de La Bruyère, cet homme d’une seule œuvre ?

    Jean de La Bruyère est l’auteur d’une seule œuvre, mais qui est cet homme ? Fils de roturiers, il devient à l’âge adulte précepteur du duc de Bourbon. Toutefois, il sait rester humble et proche de sa famille. En effet, son caractère le mène à être poli, sage, craignant toute sorte d’ambition et timide. Son statut de précepteur pour la noblesse et son rôle de bibliothécaire au château de Chantilly lui permettent de fréquenter les penseurs de son temps.

    C’est en 1688 que sort la première édition des Caractères dont le sous-titre, "ou les mœurs du siècle". Il aurait commencé la rédaction de cet ouvrage dès 1670. Ses proches ont tendance à voir dans sa composition tous les secrets qu’il garde. En effet, l’homme étant très confidentiel, il se dévoile petit à petit dans Les caractères. Malgré tout, la présence de la première personne du singulier demeure occasionnelle.

    Œuvre en perpétuel travail, il ajoute, supprime, repense et change l’ordre des remarques. Toute sa vie durant, il continue de proposer ses remarques sur le monde. La dernière édition des Caractère ne subit presque aucune transformation, cela laisse croire que l’œuvre lui convenait enfin. Il avait pris le temps de songer à tout et de tout dire. Pour autant, comme il est mort précocement, nous pouvons nous demander s’il n’aurait pas prolongé ses modifications.

    Comment écrire quand on est l'héritier d'une richesse culturelle imposante ?

    Il faut savoir que Jean de La Bruyère compose son ouvrage après de nombreux auteurs glorieux comme La Rochefoucauld ou Pascal. En effet, les Maximes de La Rochefoucauld paraissent 5 ans auparavant. Pascal voit ses Pensées éditées l’année où la Bruyère se lance dans la rédaction.

    Un auteur qui s’inscrit dans la lignée de l’œuvre de Théophraste

    En plus de ses contemporains, il s’inscrit dans la lignée de Théophraste, célèbre pour ses portraits pendant l’Antiquité. Il ne prétend d’ailleurs pas écrire une œuvre nouvelle, mais défend l’idée qu’il s’agisse d’une œuvre originale. Il entend par là qu’il s’agit d’un retour aux origines (d’un texte antique) et qu’elle est originale, car la forme et la matière changent profondément avec l’époque.

    Il conserve alors l’idée de caractères, mais en dresse de nouveaux, plus en adéquation avec son temps. Il crée ainsi de nouvelles origines pour les futurs caractères. Ce genre stylistique lui permet d’ailleurs d’écrire un texte à la fois philosophique.

    Un auteur qui se place dans les problématiques de son temps

    Il décide alors de s’inscrire dans son temps en proposant une critique de la société, à l’image de ses contemporains. La forme employée innove toutefois : il ne se résout pas à écrire des maximes ou des adages, mais préfère les caractères et les portraits. Il refuse également qu’on appelle ses réflexions des fragments et préfère le terme de "remarques".

    Jean de La Bruyère s’intéresse également à l’aspect éducatif de son œuvre. Comme Jean de la Fontaine, Boileau, Fénelon, Pascal, La Rochefoucauld, etc., Jean de la Bruyère cherche à faire passer des messages sur les travers de ses lecteurs afin qu’ils puissent s’améliorer. Il pense aussi qu’éduquer le roi et ses dauphins correctement aurait un grand impact sur la société entière.

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    La querelle des Modernes contre les Anciens :
    Comme nous le disions, Jean de La Bruyère est un auteur de son temps, il intègre de ce fait la querelle des Anciens contre les Modernes. En se plaçant sous la protection de l’œuvre de Théophraste, nous ne pouvons pas douter de sa position : il se tient à côté des Anciens.
    Ceux-ci prônent l’importance de se servir de l’héritage antique, là où les Modernes souhaitent rivaliser avec les écrivains anciens en créant des formes nouvelles de littérature.

    Les Caractères se distinguent des autres œuvres littéraires du XVIIe siècle

    Toutefois, l’œuvre de Jean de la Bruyère se démarque assez fortement du reste du panorama littéraire de l’époque. Il parvient à proposer une œuvre véritablement différente grâce à la forme des Caractères et à la façon de traiter les sujets abordés. En effet, ses remarques prennent différents aspects. Il écrit tantôt des maximes, quelquefois des portraits, d’autres fois des adages, de bons mots, voire des énigmes. On trouve également dans son œuvre des dialogues et des conversations.

    Nous sentons donc que son originalité tient d’abord dans la forme assez libre et diverse dont s'empare l’ensemble du livre. D’ailleurs, les caractères sont plus proches du monde que les maximes ou les pensées, car ils exploitent des exemples et sont donc plus concrets pour les lecteurs. Tout ceci lui permet de se présenter comme un penseur critique, moraliste (et non pas moralisateur), chose que ses contemporains ont moins faite. Il explique son projet ainsi :

    Quelques-unes de ces remarques le sont [courtes], quelques autres sont plus étendues : on pense les choses de manière différente, et on les explique par un tour aussi tout différent…

    La construction d’une œuvre complète : Les Caractères de La Bruyère ?

    L’édification des Caractères dans son ensemble a donc pris, comme nous le disions, toute une vie. Il établit une sorte de répertoire des aspects de l’homme et n’hésite pas à défendre le tiers monde face à l’avarice de la noblesse.

    Intéressons-nous au plan des chapitres des Caractères

    Certains spécialistes ne perçoivent pas le fil conducteur dans les parties qui se suivent, mais d’autres y voient une progression logique des thématiques. D’ailleurs, en s’alignant sur la démarche de Théophraste, l’auteur s’engage à proposer une typologie humaine. Ce que nous pouvons considérer, à travers les sections, relève alors d’une évolution dans les classes sociales au cours de la lecture. Nous remarquons également que plus nous montons dans la haute noblesse, plus les vices sont présents.

    Quels sont les chapitres dans le livre ?

    1. "Des ouvrages de l’esprit" amènent à se questionner sur la difficulté d’écrire et de faire de la littérature ;
    2. "Du mérite personnel" succède naturellement à la partie précédente en avançant que le mérite personnel conduit à effacer des génies restés invisibles, ce qu’il critique fortement ;
    3. "Des femmes" et "Du cœur" présentent les splendeurs et les faiblesses des dames, les sentiments de l’amitié, pour se rendre discrètement jusqu’au thème de l’amour ;
    4. "De la société et de la conversation" ramène ensuite à l’art de parler en groupe et il y initie le lecteur à l’excellence féminine dans le grand monde ;
    5. "Des biens de fortune" dénoncent la façon dont l’argent influence la société en la déstabilisant et en ne valorisant pas ceux qui ont du mérite ;
    6. "De la ville" raconte comment la ville devient un théâtre où chacun se cherche et se perd ;
    7. "De la cour", "Des grands" et "Du souverain ou de la République" sont tous des chapitres qui servent de critique profonde contre les apparences, les vanités et la corruption, le dernier s’intéressant plus précisément à la question de la guerre ;
    8. "De l’homme" est également une partie assez générale et universelle sur le caractère naturel ;
    9. "Des jugements" et "De la mode" où l’on parle des habitudes pernicieuses des êtres et notamment la mode de l’hypocrisie ;
    10. "De quelques usages" représente une sorte de répertoire d’usages sociaux anodins, il avance aussi le besoin de raison pour éviter les mauvais usages ;
    11. "De la chaire" explique la façon dont il perçoit les religieux tout autant pervertis que les autres, voire parfois plus ;
    12. "Des esprits forts" mettent en exergue le fait que les hommes qui se pensent importants sont souvent les plus faibles et les moins à même d’assumer le monde dans lequel ils vivent.

    La Bruyère est-il un auteur pessimiste ?

    Tout nous pousse à considérer combien Jean de La Bruyère offre une vision pessimiste de son temps. Il n’y voit que le vice et repère le manque de visibilité des hommes vertueux, qui semblent d’ailleurs peu nombreux. Il loue tout de même le mérite de l’honnête homme, et par sa critique, il espère amener la société à tendre vers cet objectif.

    En effet, l’auteur ne l’utilise pas en ayant en tête d’humilier les autres, car un traumatisme, selon lui, ne peut pas avoir pour conséquence un désir de changement. Il souhaite plutôt mener à la réflexion ceux qui font l’objet de sa critique, car son but est avant tout d’instruire en plaisant. Évidemment, il n'est pas agréable de blesser ou d’être blessé.

    Une écriture de l’ironie qui se veut pédagogue

    Dans son ouvrage, Jean de La Bruyère ironise la passion de son époque pour la généalogie. Il tient surtout à rappeler, par le moyen des portraits, la vanité des hommes, leur besoin de se sentir supérieur et ce que la société les amène à faire voir. Ensuite, il écrit de nombreux pastiches et des satires qui sont, à l’époque, d’un genre noble. Attention cependant, le procédé d’ironie employé doit être pris en compte de manière spécifique.

    En effet, la Bruyère pense que le ridicule se situe dans les choses même, et qu'il faut s'en abstraire. Pour cela la distance est essentielle pour comprendre ce qui est réel ou donné comme tel, afin d'éviter de tomber dans le piège des apparences. L’auteur des Caractères pense notamment que certains traits humains demeurent immuables et qu’il est difficile de lutter contre cela. Par exemple, il évoque l’amour propre dans le chapitre "Du cœur", qui semble faire partie de cette catégorie.

    Enfin, si ce moraliste du XVIIe siècle cherche bien, comme ses contemporains, à renvoyer le portrait d’une société corrompue, il conserve une tendresse envers ses semblables. Il rappelle notamment que son œuvre n’a pas pour but de blesser. Il exprime son projet en empruntant une phrase d’Érasme :

    Notre intention a été d'avertir, non de mordre ; d'être utile, non de blesser ; de faire du bien aux mœurs, non du tort aux hommes.

    Et comme pour prouver sa bonne volonté, Jean de La Bruyère réalise très peu de portraits de ses contemporains. Il a plutôt recouru à des personnes décédées, ou des figures fictives pour confectionner ses portraits.


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    // lastname: La Bruyère // firstname: Jean (de) // title: Les Caractères