Résultats de votre recherche :

    24 avril 2025

    Ne m'oublie pas d'Alix Garin

    Ne m'oublie pas d'Alix Garin

    Alix Garin signe son premier roman graphique avec brio. Ne m’oublie pas touche en plein cœur les lecteurs lorsqu’elle parle de cette grand-mère, en Ephad, touchée par l’Alzheimer et qui semble malheureuse dans l’institut où elle se trouve. Cette œuvre est un cri du cœur poétique, doux et difficile puisqu’il s’agit de dire au revoir à un être cher, que ce soit sur le plan moral comme physique. La poésie du dessin nous berce et la révolte de la protagoniste se transforme même en quête identitaire. En bref, je suis conquise par cet ouvrage multiple et bouleversant.

    Ne m’oublie pas en résumé

    La mamie de Clémence est en hospice, mais elle n’y est pas heureuse. On découvre une femme de grand âge non épargnée par l’Alzheimer et qui cherche désespérément à retrouver ses parents et sa maison d’enfance. Face à elle, la fille et la petite fille sont au bout de leurs moyens. Il leur est impossible d’accueillir la grand-mère et de lui apporter tous les soins nécessaires, mais les équipes soignantes refusent de la garder si elle n’arrête pas de fuguer. La mère de Clémence se résout alors à accepter les tranquillisants médicamenteux, malgré le chagrin que cela lui provoque ainsi que la culpabilité qu’elle ressent.

    Clémence, elle, voit la souffrance de sa grand-mère et rejette cette solution. Pour autant, elle n’a aucune autre alternative, elle non plus, et chacune se mure dans la douleur. Le lendemain, Clémence découvre une femme sédatée et absente, qui veut simplement retrouver la maison de son passé. Sur un coup de tête, Clémence décide à ce moment-là d’accéder à la demande de celle qui a tant fait pour elle et l’enlève. Ce kidnapping pousse la protagoniste à se questionner sur son propre vécu, son corps, ce qu’il restera de ses souvenirs à elle et à faire la paix avec ses émotions et sa mère. Mère et fille pourront ainsi accomplir leur deuil ensemble.

    Un roman graphique qui parle de la maladie et du vécu de l’entourage

    Cette histoire parle donc de la maladie d’Alzheimer et de la sensation si étrange de perdre la tête, de s’en rendre compte et de plonger quand même dans la folie. Elle ne cache pas les aspects difficiles et les malices d’enfants que le syndrome fait ressurgir. Bien sûr, l’autrice n’évoque pas toutes les épreuves que représente la gestion d’une personne malade, puisque nous sommes avant tout dans un road trip engageant deux femmes qui se perdent et se cherchent, mais la maladie n’est pas non plus romantisée. La douleur du "au revoir", la déchirure que cela laisse à l’intérieur de soi n’est pas effacée malgré la beauté du voyage.

    Elle cède d’ailleurs la parole aux souffrances de l’entourage. Pour eux, voir qu’un être proche oublie, ne se souvient plus des autres et qu’ils deviennent des étrangers est malheureux. Cela pousse les personnages à se rappeler leur passé, comme pour comprendre ce qu’il resterait de cette époque si eux aussi perdaient la mémoire et pour essayer d’apaiser les besoins de la grand-mère. D’ailleurs, la maladie est souvent un moment important pour l’entourage qui se retrouve dans une quête identitaire déterminante, de la même manière qu'ici.

    Mémoires de la forêt : Les souvenirs de Ferdinand Taupe
    Mémoires de la forêt : les souvenirs de Ferdinand Taupe est le premier tome d’une série de livres écrits par Mickaël Brun-Arnaud qui s’annoncent prometteurs. Certaines thématiques comme la maladie…

    Une introspection nécessaire

    On n’a qu’une vie et elle semble parfois bien futile quand on réalise que l’âge nous ramène souvent à notre enfance. Elle n’en demeure pas moins belle et dans certains cas difficiles. Clémence exprime d’ailleurs cette dualité entre construction de soi et besoin de connaître son passé. En effet, elle se dévoile joyeuse avec sa grand-mère, mais elle a souffert de l’absence de sa mère, médecin généraliste très prise. On la découvre aussi légèrement masculine, moquée alors qu’elle ne se questionne même pas sur ce point, ni (pour le moment) sur son identité.

    Le road trip avec sa mamie kidnappée l’amène dès lors à prendre conscience de la beauté de son corps jeune, de son homosexualité et de la préciosité de certains de ses souvenirs. L’autrice, qui s’aide de son histoire personnelle pour rédiger cette fiction, dédie d’ailleurs ce roman graphique à sa "mamycha" et son grand-père. Elle réalise également qu’à force de souffrance, elle a oublié des moments heureux qu’elle a vécu avec sa mère et cela la pousse à réparer le lien qu’elle a perdu avec elle. C’est donc presque un récit initiatique que nous lisons, où la grand-mère serait la guide parfois malgré elle et la petite fille évolue à son contact.

    Les marches de sable, Andrée Chedid - Culture Livresque
    Andrée Chedid est un auteur prolifique ayant écrit roman, théâtre et poésie. Les marches de sable constitue donc l’un de ses romans évoquant le destin de trois femmes s’étant rencontrées dans…

    Un road trip amusant et doux

    Ce dernier voyage de la grand-mère offre au lecteur un moment de pur bonheur. Si la maladie est présente, elle n’empêche pas les minutes hilarantes et les petits instants de joie. Nous voyons ainsi Clémence arnaquer un homme avant qu’une dispute violente n’éclate. On retrouve aussi les plaisirs d’enfants : décorer une voiture de fleurs, une bataille d’eau dans la salle de bain, voler une sonnette, car on en aime le son qui nous rappelle des souvenirs… Nous sommes ramenés vers les amusements simples et spontanés, enfantins.

    Pour autant, la douceur de la relation et les moments de bonheur sont ponctués d’étapes plus difficiles. En effet, nous nous rendons compte très rapidement qu’il a dû se passer quelque chose puisque Clémence fait l’objet d’un interrogatoire. Elle a son verre de lunette cassé et semble tuméfiée. Les scènes se multiplient au fur et à mesure, comme lorsqu’une biche est percutée, la voiture accidentée ou encore lors du dernier au revoir avec la grand-mère. Ainsi, ce voyage initiatique qui nous fascine représente bien la dualité d’un monde à la fois beau et cruel.  

    Citations

    J'oublie. Je pense que je perds la tête... Mais le pire, c'est quand ça me revient... Je n'ai jamais dit à maman ce que j'avais à lui dire. Alors que j'ai eu maintes fois l'occasion. "Trop tard" arrive plus vite qu'on ne le croit.
    Non, je n'ai pas envie de me déshabiller, je me suis déjà lavée ce matin !
    Ça m'étonnerait, j'étais là et on ne s'est pas lavées.
    Tu dis que je pue ? Tu veux sentir ma culotte pour vérifier ?
    Allez, arrête tes enfantillages, tu dois te laver et puis c'est tout !
    Eh oh, moi aussi je peux hausser le ton ! Et je dis non !

    Si ce livre vous intéresse :
    Sinon...
    Sido de Colette : Hommage à la mère - Culture Livresque
    Colette est une écrivaine au style très tendre. Elle a régulièrement utilisé sa propre histoire pour nourrir ses œuvres. Ainsi, dans le cours roman Sido, c’est un portrait familial qui se dessine entre les pages…
    // firstname: Alix // lastname: Garin // title: Ne m'oublie pas