Qu'appelle-t-on la littérature d'idée ?
La littérature d’idée n’est pas un genre à part entière. Il s’agit plutôt d’une étiquette utile pour regrouper une littérature argumentative, visant à transmettre des idées en créant une œuvre complète. Elle regroupe ainsi plusieurs genres littéraires utilisant aussi bien l’argumentation directe qu’indirecte.
Quels sont les éléments permettant de reconnaître la littérature d’idées ?
Comme nous le disions, la littérature d’idée rassemble différentes œuvres argumentatives qui souhaitent transmettre une idée. Outre l’aspect argumentatif, n’oublions pas l’aspect littéraire de ce terme. En effet, elle conserve sa finalité esthétique puisqu’il s’agit avant tout de création. L’auteur de cette littérature crée une œuvre autour d’une pensée et c’est ce qui fait la différence avec un simple argumentaire.
Le terme "littérature d’idées" désigne tous les genres argumentatifs. Pour la reconnaître, certains éléments sont plutôt faciles à repérer. Par exemple, l’auteur utilise des moyens argumentatifs pour défendre ou réfuter une thèse ou transmettre une idée au lecteur. Pour cela, il peut déployer un thème et une thèse, puis proposer des arguments suivis d’exemples.
Quelques outils d’analyse de la littérature d’idée :
- repérer le thème et la thèse ;
- isoler les arguments selon leurs types (argumenter, persuader, convaincre, etc.) ;
- être au point sur la façon dont le raisonnement se tient (par induction, par déduction, par la concession) ;
- méfiance : la littérature argumentative utilise souvent le registre satirique, comique, etc. pour faire passer une idée ;
- repérer les liens logiques entre les arguments (comment l’auteur passe d’une idée à une autre) ;
- reconnaître les figures de style telles que les syllogismes, et les chiasmes de construction, etc.
Quelques formes prises par la littérature d’idée…
L’un des premiers points à garder en tête est que la littérature d’idée prend diverses formes. Elle existe dans le genre narratif, théâtral et poétique. Bien sûr, il existe des formes plus courantes pour argumenter en général. Certains supports demeurent alors plus adaptés que d’autres pour contenir une argumentation directe ou indirecte.
… Une argumentation directe pour faire passer ses idées
La première forme que peut prendre la littérature d’idée est celle de l’essai. Ce genre apparaît au XVIe siècle avec l’œuvre de Montaigne qui livre ses réflexions et sa vie dans un ouvrage intitulé… Essais. Ce genre consiste à exprimer ses réflexions et ses pensées sur un ou divers sujets au cours de l’écriture de l’ouvrage.
La littérature d’idée peut être également déployée sous la forme d’un manifeste. Le meilleur exemple, en lettres, concerne Le manifeste du surréalisme proposé par André Breton. S’il s’agit d’une œuvre à part entière, ce manifeste propose d’expliquer ce qu’est le surréalisme et propose une vision de ce mouvement.
Ensuite, nous pouvons trouver des satires, très à la mode aux XVIe et XVIIe siècles. Ces textes critiquent sans détour des caractères, des modes, des idées ou des comportements du siècle de son auteur. Il exprime sans détour sa pensée et révèle tous les travers de l’objet qu’il prend pour cible.
Il existe également la lettre ouverte, appréciée dans la littérature d’idée, qui utilise l’appui de la presse pour exprimer un avis sur un sujet précis. Sous la forme d’une lettre généralement adressée, l’auteur dénonce. Ces lettres sont souvent politiques et polémiques. En exemple, nous pouvons penser au célèbre J’accuse d’Émile Zola.
Enfin, les discours, sous une forme écrite, intègrent également les textes à idées puisqu’ils utilisent l’art de la rhétorique et l’argumentation pour transmettre une idée, dénoncer quelque chose, exprimer une pensée, etc. Ce genre souvent oralisé dans l’écriture apparaît dès le XVIe siècle avec La Boétie, par exemple, qui écrit son Discours sur la servitude volontaire.
L’argumentation indirecte au service de la littérature d’idée
Les textes argumentatifs ne sont pas obligatoirement visibles de prime abord. Ils peuvent exploiter l’argumentation indirecte pour transmettre une idée qui s’insinue dans les pensées du lecteur sans entrer en conflit avec sa pensée. En effet, sous les traits de la fiction ou sous le masque de la littérarité du texte, le lecteur efface plus facilement son esprit critique et se laisse porter par le texte.
La littérature d’idée profite donc des portraits pour critiquer un personnage ou un comportement. La représentation est plutôt satirique, mais contrairement à ce genre, le portrait insinue sa critique plus qu’il ne la fait éclater. Par exemple, La Bruyère va rédiger des portraits dans Les caractères dont certains seront positifs et d’autres négatifs.
Enfin, tous les genres regroupés sous le titre d’apologue servent particulièrement bien la littérature d’idée. En effet, qu’il s’agisse de la fable, du conte, d’une utopie, d’une dystopie, etc., passer par une fiction pour porter une morale relève bien de cette littérature argumentative indirecte. Seule la méthode change.
Les idées de cette littérature évoluent selon les époques
La littérature d’idée est donc une désignation pour évoquer une catégorie plus large de textes, regroupés selon des critères argumentatifs et stylistiques. Pourtant, lorsque nous étudions cette littérature, il ne faut surtout pas oublier de s’intéresser au contenu de l’argumentation, aux idées de l’auteur finalement.
Les thématiques privilégiées au XVIe siècle
Bien évidemment, les pensées et les modes qui sont sujets de réflexion changent selon les époques et les sociétés. Il est donc facile de repérer certaines thématiques par rapport au contexte d’écriture. Par exemple, la littérature d’idée au XVIe siècle se concentre sur l’homme.
L’humanisme pense l’homme et son éducation autrement (ex : Rabelais avec Gargantua). Thomas More écrit Utopie, le premier livre dans le genre, proposant un système sociétal différent de celui qui est connu et qui tend à être meilleur. Point commun : tous veulent transmettre leur idée du monde à travers une œuvre de fiction riche.
Dernier exemple, Montaigne avec ses Essais pense la société, en fait un portrait et apporte ses réflexions sur sa vie, sur le monde tel qu’il le connaît, etc. Il crée un genre nouveau, apportant à la fois des informations autobiographiques et en faisant son autoportrait. De cette façon, il crée une œuvre argumentative riche et ne passe plus par la fiction pour transmettre ce qu’il pense.
La littérature d’idée au XVIIe et XVIIIe siècle
Les idées majoritairement émises au XVIIe siècle concernent plutôt la mesure et la raison. L’honnête homme est mis en avant, l’art de la conversation et de se tenir en société se déploie… tous tendent à louer ce qu’il y a d’admirable dans cette recherche du savoir-vivre sans se priver de critiquer les faux-semblants, les hypocrisies et les excès qu’elle entraîne. Force est de constater qu’il y a beaucoup de choses à dire pour des auteurs comme La Bruyère et Les caractères, Pascal avec ses Pensées ou encore La Rochefoucauld, La Fontaine, etc.
Les genres littéraires favoris au XVIIe siècle pour la littérature d’idée :
- Les maximes, les pensées et les portraits (La Rochefoucauld, La Bruyère, Pascal) ;
- Les fables et les contes (La Fontaine et Perrault) ;
- Les œuvres épistolaires.
Quant au XVIIIe siècle, il s’oppose à toute forme d’oppression et les auteurs développent leur esprit critique. Ils font de la connaissance un outil pour acquérir la liberté et l’objet de la perfectibilité de l’homme. Cette époque lutte ardemment contre l’obscurantisme et questionne la religion. C’est l’époque des traités (Olympe de Gouges), des essais, des discours et des lettres. L’argumentation indirecte se fait plus rare, mais comprend tout de même quelques romans épistolaires comme Les lettres Persanes de Montesquieu ou des contes philosophiques (ex. : Candide de Voltaire).