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    19 novembre 2022

    L’arménien, roman de Carl Pineau

    L’arménien, roman de Carl Pineau

    Avec L’Arménien, Carl Pineau nous mène dans les nuits nantaises des années 80. Entre liberté sexuelle, découverte des maladies comme le SIDA, le trafic de drogue et l’esprit de la fête, l’auteur ancre ses personnages dans une époque pas si éloignée et pourtant si différentes de celle que nous vivons. Ce roman policier n’oublie toutefois pas de jouer son rôle et est original tout autant qu’efficace.

    L’Arménien en quelques mots

    Le livre s’ouvre sur un article de journal qui nous apprend qu’un meurtre a eu lieu dans la forêt de Touffou, dans la banlieue nantaise. Ce crime d’une violence inouïe laisse penser à une vengeance entre deux gangs de trafiquants de drogue. Tout laisse présager des représailles violentes dans le milieu nantais et au centre de cela, le commissaire Greg Brandt doit mener l’enquête.

    Cette histoire nous est racontée du point de vue de la psychologue de la victime et d’un coiffeur, Bertrand, ami du disparu. L’un après l’autre, ils se remémorent des souvenirs avec Luc, ce jeune arménien dont l’histoire familiale dramatique a brisé une partie de son être. Françoise, la psychologue, mène d’ailleurs l’enquête auprès du policier pour comprendre qui est le coupable dans cette affaire qui touche de près son patient préféré.

    Au fur et à mesure que les pages filent entre nos doigts, nous en découvrons plus sur Luc et sur les circonstances menant au drame final. D’ailleurs, puisque rien n’a été simple dans sa vie, pourquoi sa mort l’aurait été ? Mais pour découvrir le fin mot de cette affaire sombre et passionnée, il faudra vous intéresser de plus près à ce roman policier qui n’a pas fini de vous offrir des surprises.

    Une intrigue policière à double voix

    L’intrigue mêle donc deux narrateurs à l’histoire. Chacun apportant sa pierre à l’édifice permettant de comprendre le drame qui s’est joué le 22 décembre 1989. L’ami, Bertrand, nous offre le portrait d’un jeune garçon puissant et sûr de lui. Il nous fait connaître un homme à l’intelligence sous-estimée et dont il a profité. Pourtant, Luc est resté fidèle à leur amitié jusqu’à son dernier souffle.

    Lorsque Françoise parle, on rencontre un petit garçon brisé, devenu homme énigmatique et particulièrement intelligent. Il attire malgré lui, tout en semblant désintéressé par toutes les compagnes qui pourraient partager sa vie. À eux deux, ils brossent ainsi le portrait d’un jeune homme mêlé au trafic de drogue nantais, mais qu’on apprend à apprécier par sa façon de dominer son monde.

    Chacun à sa manière contribue ainsi à en apprendre plus au lecteur, tout en créant un suspens différent de celui qu’on a l’habitude de retrouver dans les romans policiers. La tension que nous ressentons à chaque changement de parole, subtilement amenés, nous empêche presque de fermer le livre pour faire une pause. Le suspens ne concerne plus forcément l’enquête. Ce que nous voulons, c’est découvrir Luc et comprendre ce qui a mené à sa mort. Originalité très appréciée, qui permet de faire de ce roman un livre sombre, mais pas noir ni macabre.

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    Une description de la vie nantaise festive, agitée et… d’un autre temps, évidemment

    Place à la fête dans les nuits nantaises

    Carl Pineau place l’intrigue de son roman dans les rues nantaises et sa banlieue. Nouvelle venue sur Nantes, j’ai pu prendre plaisir à découvrir les lieux que j’apprends encore à connaître. C'est alors un nouveau point de vue qui s'offre à moi, à partir d’années tumultueuses où la morale laissait place à la fête, aussi "libérée" soit-elle concernant la sexualité et la consommation de drogue.

    Chacun des lieux constitue tout de même un repère solide dans l’histoire, rien n’est détaillé pour le simple plaisir de parler d’un souvenir. En effet, si l’auteur cherche à placer son enquête dans un cadre connu et partager ce qui se faisait à une époque pas si éloignée, il ne le fait que de manière à servir son œuvre. Bien sûr, il y a du sexe, de la drogue et des maladies en veux-tu en voilà. Mais il y a surtout un vent de liberté qui souffle sur une société qui a connu de nombreux changements historiques. Il y a aussi la découverte du SIDA, dont on parlait si peu avant cette époque.

    Et du point de vue d’un lecteur d’aujourd’hui ?

    Bon, il y a quand même quelques clichés d’écritures qui se sont insérés dans son roman. Je pense notamment aux dernières phrases du livre ou au début avec la description du policier en charge de l’enquête. L’écriture fluide et pleine de justesse rattrape quand même ces deux petits points qui s’oublient facilement quand on progresse dans la lecture.

    Qui plus est, d’un point de vue actuel, le rapport aux femmes laisse aussi à désirer, tout comme les propos racistes tenus par certains des personnages. Toutefois, faire le portrait de la mentalité d’une époque ne consiste pas à en effacer les travers, c’est donc décrit sans être approfondi. Cela choque "moins" lorsqu’on repense au contexte, et ces éléments restent exploités, ce qui ne donne pas un effet déplacé.

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    Une maîtrise de l’intrigue qui permet de finir le livre sur une pointe de surprise

    L’originalité du livre tient donc principalement au fait qu’il s’agisse d’un roman choral. Chaque extrait s’imbrique d’ailleurs parfaitement les uns dans les autres, créant une tension palpable. Le roman offre ainsi au lecteur un tableau qui s’occupe plus de faire le portrait d’une jeune victime, sauvagement assassinée, que de rendre l’enquête impersonnelle et difficile à souhait.

    Je pense que Carl Pineau est parvenu à faire de son roman un livre policier humain, avec de l’amour dans la noirceur et de la violence sans en faire trop. Et cela nourrit son livre : on s’attache à une victime et aux laissés derrières malgré leurs travers. Il parvient également à mener son intrigue de façon que l’enquête se résolve pour nous avec une certaine surprise, tout en restant fidèle aux signes transmis qui prennent alors tout leur sens. Et pourtant, cette fin était périlleuse ! Bravo pour ce coup bien mené, à la hauteur d’un personnage torturé tel que l’était Luc Kazian.

    Citations

    Au fur et à mesure qu'il parlait, j'éprouvais un intérêt grandissant pour ce môme étrange. Un vague plan se dessinait dans ma tête : habilement lancé dans la faune du centre-ville, Luc pourrait m'être très utile.
    Je me fis la réflexion que même ici, les humains s'étaient réfugiés entre semblables. Incapables de se mélanger. Je me demandais si ce serait pareil dans le monde où était Luc désormais. Si tant est que ce monde existât. Luc pouvait se vanter d'avoir réuni une population disparate, à l'image de l'enfant sans racine qu'il était.
    Quelques minutes s'écoulèrent. Nous laissions nos regards se perdre dans la fumée de notre clope. Nous n'avions rien d'autre à dire, notre présence à elle seule nourrissait le silence. Je ne m'étais jamais senti si uni à personne.

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    Sinon...
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    // lastname: Pineau // firstname: Carl // title: L'Arménien, nuits nantaises 80's