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    La querelle des Anciens et des Modernes

    La querelle des Anciens et des Modernes

    Aussi appelée la Querelle des Classiques et des Modernes, cette dispute littéraire agite la fin du XVIIe siècle, bien qu’elle soit latente durant tout le siècle. Elle oppose d’un côté les anciens avec Boileau, La Fontaine, Racine, Bossuet, La Bruyère et Fénelon, et de l’autre les modernes avec Perrault, de Fontenelle, Corneille et Saint-Evremond. L’origine de la querelle vient d’une contestation de l’esthétique littéraire du second camp.

    Qu’est-ce qui oppose les Anciens et les Modernes ?

    Dans cette querelle littéraire emblématique, les deux clans s’affrontent pour appuyer leur conception de l’esthétique littéraire. D’abord, les Classiques, avec pour chef Nicolas Boileau, soutiennent l’idée qu’il faut respecter l’héritage antique pour produire de la littérature. Pour eux, ces maîtres à penser ont traversé le temps et ont su susciter l’admiration, ce qui fait d’eux des auteurs supérieurs aux autres. Ils défendent également cette littérature allant au plus simple, sans ornementation. C'est cela qui octroie aux auteurs une écriture sans pareille, sans fioriture.

    Les Modernes, dont Charles Perrault prend la tête, estiment quant à eux que leur art innove et est supérieur grâce à la grandeur politique, religieuse et humaine du XVIIe siècle. Charles Perrault développe son argumentation et s’appuyant sur les figures savantes antiques et modernes : si les scientifiques du XVIIe siècle sont parvenus à se détacher des savants antiques, les artistes doivent en faire de même. L’enjeu est de se détacher d’une figure d’autorité afin de créer une nouvelle littérature qui prend en compte les découvertes scientifiques et les changements de paradigmes sociétaux. Il trouve également que les anciens font preuve de manque d’esprit critique en louant les anciens sans modérations. Pour lui, ces contemporains ne percent plus les défauts des œuvres d’antan, ce qui rend la littérature parfois ennuyeuse.

    Qui sont les Anciens et les Modernes ?

    • Les Anciens (ou les Classiques) : Boileau, La Fontaine, Racine, Bossuet, La Bruyère et Fénelon ;
    • Les Modernes : Perrault, de Fontenelle, Corneille et Saint-Evremond.
    • Les auteurs qui deviennent médiateurs : Fénelon, de Fontenelle, Saint-Evremond.

    Quelques points de discordes entre Anciens et Modernes

    Lorsqu’on pense à cette querelle, il faut s’imaginer que tous les auteurs ou presque de ce siècle ont pris parti. Ce débat remet en jeu la question de l’idéal littéraire, mais il a également d’autres enjeux plus discrets.

    Les enjeux politiques et religieux de la querelle

    Les auteurs ne se querellent pas simplement pour une question d’esthétique. Derrière les arguments avancés, il y a tout un enjeu politique et religieux. Pour commencer par l’aspect politique, rappelons que le XVIIe est une époque de mécénat. Les auteurs sont soutenus par les grands noms du siècle qui leur alloue une somme d’argent leur permettant de vivre. Ils répondent encore à des commandes littéraires, ce qui fait que leur art n’est pas toujours tout à fait libre. Être soutenu par des bienfaiteurs signifie également que les Modernes, qui fréquentent énormément la cour, bénéficient des bonnes grâces du roi auquel il est bon de plaire.

    Enfin, la question de la religion entre en considération dans la façon dont est perçu l’art. Les anciens préfèrent les mythes païens antiques, ils explorent la mythologie pour la création de leurs héros et dans l’action. Les Modernes critiquent de plus en plus cette tendance qui ne rend pas justice au catholicisme pourtant en place. Ils pensent la création d’épopées chrétiennes pour fonder une mythologie religieuse et ainsi glorifier la France, leur siècle et leur croyance. Nous sentons donc que le conflit ne tient pas qu’à l’esthétique, mais aussi aux édifications des objectifs littéraires.

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    La question du progrès en art est le deuxième point de dispute

    Les auteurs s’intéressent donc à la question du progrès en général et cela constitue le point fulgurant de la querelle. Pour Jean de La Bruyère, le progrès en art n’existe pas, la perfection a été découverte par les Anciens :

    Tout est dit, et l'on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes et qui pensent. Sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et le meilleur est enlevé ; l'on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d'entre les modernes.
    Les Caractères, I, 1

    En revanche, les Modernes comme Perrault estiment qu’il reste encore des choses à inventer. Il pense que la littérature, comme les sciences, peut évoluer et trouver de nouveaux sujets :

    [...] tous les arts ont été portés dans notre siècle à un plus haut degré de perfection que celui où ils étaient parmi les Anciens, parce que le temps a découvert plusieurs secrets dans tous les arts, qui, joints à ceux que les Anciens nous ont laissés, les ont rendus plus accomplis [...].
    Parallèles des Anciens et des Modernes

    Finalement, d’un côté on parle de fautes de goût des anciens et de leurs inspirations dépassées, de l’autre on cri au manque d’humilité face à des auteurs qui ont su traverser le temps.

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    Alors, qu’est-ce qu’être Moderne ?
    La modernité des auteurs s’inscrit dans l’idée de progrès. Toutefois, la conception de la modernité change d’un écrivain à l’autre. Par exemple, certains disent déjà faire preuve de modernité dès le début du XVIIe siècle, bien avant que le conflit n’éclate.
    La modernité révèle alors essentiellement la question de la création de genres nouveaux comme le théâtre tragi-comique qui sonne la fin de la séparation des genres, les opéras et la poésie badine, entre autres. Les auteurs Modernes souhaitent également améliorer les genres en place comme la tragédie et le conte merveilleux pour les rendre plus libres.

    Chronologie : des origines de la querelle des Anciens et des Modernes jusqu’à son apogée

    La chronologie de la querelle des Anciens et des Modernes peut commencer à divers moments de la vie intellectuelle du XVIIe siècle. Rappelons que la querelle existait en sourdine dès le début du siècle. Toutefois, certaines étapes semblent marquer plus précisément le conflit.

    1637 – 1683 : Les prémices d’un conflit

    En 1637, Le Cid de Corneille fait scandale. La pièce de théâtre reçoit en masse les critiques et ceux qui deviendront les modernes reprochent à l’auteur d’avoir trahi la religion chrétienne. De l’autre côté, les anciens mettent en avant que Pierre de Corneille ne respecte pas la règle des trois unités et celle de la bienséance.

    C’est ensuite la querelle sur la pièce de Molière, L’école des femmes, qui marque un nouveau tournant dans la future querelle. Cette pièce reçoit une forte critique d’un certain Jean Donneau de Visée. Ce dernier estime que la pièce ne respecte pas du tout la règle des trois unités. Il va jusqu’à dire que tout le monde se rend aux représentations de la pièce par curiosité face à sa médiocrité, mais que personne ne la trouve bonne. Molière répond, affirmant qu’il respecte la règle des trois unités, bien qu’il s’affranchisse d’une part des consignes qui lui sont attribuées. Le conflit prend fin après la prise de partie de certains grands auteurs du siècle.

    Enfin, en 1683, l’affaire des inscriptions reflète l’opposition de deux camps. Certains y voient le véritable début de la Querelle. Cet épisode commence lorsque François Charpentier, membre de l’Académie, en charge des inscriptions sur les tableaux de Versailles, recommande d’utiliser le français à la place du latin pour légender les œuvres. Jusqu’ici, seul le latin était autorisé et cela fait débat, mais F. Charpentier finit par avoir gain de cause et rédige en français ce qui viendra expliquer les tableaux. Cela est vu comme une première victoire de la modernité. Ironie du sort : on remplacera les vers de l’écrivain pour ceux des Anciens, car il était piètre poète.

    1687 – 1693 : l’apogée de la dispute littéraire

    C’est en 1687 que la Querelle éclate véritablement à l’Académie française. En cause : Charles Perrault présente son poème "Le siècle de Louis le Grand" où il compare l’Antiquité au XVIIe siècle. Bien évidemment, il fait l’éloge du siècle de Louis XIV pour prouver la supériorité de cette époque sur celle d’Auguste, si chère aux cœurs des anciens.

    Immédiatement, les auteurs Classiques répondent à l’attaque. Nicolas Boileau écrit des épigrammes et des satires, La Fontaine répond par des épîtres et Jean de La Bruyère écrit des portraits dans Les caractères ainsi que son Discours sur Théophraste. Les Modernes répondent alors à leur tour. Bernard Le Bouyer de Fontenelle publie en 1688 La Digression sur les Anciens et les modernes, il écrit notamment :

    Toute la question de la prééminence entre les anciens et les modernes étant une fois bien entendue, se réduit à savoir si les arbres qui étaient autrefois dans nos campagnes étaient plus grands que ceux d'aujourd'hui. En cas qu'ils l'aient été, Homère, Platon, Démosthène, ne peuvent être égalés dans ces derniers siècles, mais si nos arbres sont aussi grands que ceux d'autrefois, nous pouvons égaler Homère, Platon et Démosthène.
    La Digression sur les Anciens et les modernes

    Quand il entre quelques années plus tard à l’Académie française, cela est vu comme une victoire des Modernes sur les Anciens. Charles Perrault ne manque pas non plus de répondre avec son Parallèle des anciens et des modernes en ce qui regarde l’art et les sciences. Son texte proposant une discussion entre un chevalier représentant les Modernes, un Président pour les Anciens et un Abbé qui se veut le double de l’auteur. Il tente d’y imposer sa vision du progrès.

    1694 – 1700 : la querelle entre Classiques et Modernes prend fin

    Enfin, la querelle prend fin lorsqu’en 1694, Boileau écrit dans ses Réflexions de Longin un extrait plus mesuré sur les idées des Modernes. Il explique qu’il admire les Modernes, mais qu’ils ne peuvent pas se comparer aux auteurs antiques. Il essaie ainsi de se sortir d’une situation délicate.

    La même année, Antoine Arnauld procède à un arbitrage entre les deux groupes. Cela se termine par une conciliation entre Boileau et Perrault qui s’embrassent en public à l’Académie française. Si pour la majeure partie de la population de l’époque, ce sont les Modernes qui sortent vainqueurs du conflit, nous savons qu’Antoine Arnauld avait pourtant une préférence pour les Anciens.

    Chaque camp reste tout de même dans son coin, jusqu’à ce que Boileau se décide à écrire une lettre de réconciliation ouverte à Perrault. Cette lettre datée de 1700 signe l’essoufflement de la querelle et la disparition des enjeux politiques qui étaient en vigueur. Ils entrent également, de cette façon, dans le XVIIIe siècle. Finalement, Boileau avait raison puisque les Anciens sont encore admirés et les Modernes sont considérés comme des génies.


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