Le mythe de Tristan et Yseult

La littérature du Moyen-Âge a foisonné et façonné notre vision des récits de chevalerie et d’amour. La matière de Bretagne est d’ailleurs l’une des plus riche en termes de littérature de l’époque. Si tout le monde connaît l’histoire du roi Arthur, de Perceval et des autres chevaliers, il en est souvent de même du mythe de Tristan et Yseult, ces deux personnages qui s’aiment d’un amour magique et puissant, mais qui ne sont pas promis l’un à l’autre. Mais qu’en est-il réellement de l’état de connaissance de chacun à ce propos ?

Le synopsis de Tristan et Yseult

Dans un pays fort fort lointain… Le roi Marc contrarie sa cour puisqu’il est toujours célibataire et qu’il ne se fait plus tout jeune. Alors, pour satisfaire tout le petit peuple, il décide d’épouser la femme dont il vient de trouver le cheveu par hasard.

Tristan, son neveu, est chargé de retrouver la belle demoiselle blonde qui n’est autre que Yseult. Après de nombreuses recherches et quelques géants abattus, Tristan trouve enfin la femme qu’il cherche pour son oncle et la ramène en Cornouailles.

Avant de partir, la mère d’Yseult, ayant conscience que sa jeune fille va épouser un vieux roi, lui prépare un philtre d’amour à boire avec le roi avant son mariage. Cela lui permettra d’avoir une vie plus heureuse et d’oublier tout ce qui sépare les deux futurs époux.

Cependant, sur le bateau menant au roi, un événement vient rendre toute l’histoire difficile : la servante qui accompagnait donne – de manière volontaire ou non selon les auteurs – le philtre à Tristan et Yseult. Ils tombent donc résolument amoureux et ce – toujours selon les manuscrits – pour 3 ans, 4 ans ou l’éternité.

Malgré tout, Yseult et Tristan restent à distance par respect pour le roi et la demoiselle se marie avec Marc. Que serait une histoire d’amour sans contrariété ? Dans cette histoire, Tristan et Yseult sont répudiés par le roi, puis la femme est réhabilitée mais pas le neveu qui trouve une nouvelle Yseult : Yseult aux Blanches mains. Et de nombreuses péripéties arrivent à tous les protagonistes.

Le saviez-vous ? Le nombre de "Yseult" dans le manuscrit est de 3

La première Yseult est la mère de la demoiselle qui doit épouser le roi Marc. Elle est reine d’Irlande et possède de grandes qualités de guérisseuse. Sa fille détient une partie de son savoir, ce qui permettra notamment à la demoiselle de secourir Tristan, arrivé gravement blessé de son combat contre un géant, le Morholt, qui était d’ailleurs l’oncle d’Yseult la Blonde. Yseult la mère joue également un grand rôle dans le déroulé de l’histoire puisqu’elle conçoit le philtre d’amour pour sa fille.

Yseult la Blonde, destinée au roi Marc

La seconde Yseult est "Yseult la Blonde", nommée ainsi en référence de sa chevelure évidemment. En effet, c'est parce que le roi Marc a voulu faire d’elle son épouse en trouvant un de ses cheveux d’une blondeur inouïe qu'elle se prénomme ainsi.

Elle représente la femme parfaite pour un roi : lumineuse, le teint clair, des yeux somptueux et blonde comme personne. Son statut de fille d’un couple royale augmente également la valeur de celle-ci qui a reçu une parfaite éducation. En effet, elle connaît les règles de la courtoisie, joue de la harpe, chante, etc.

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Comment repérer l'apparition de l'autre monde dans un récit médiéval ?
Pour atteindre l’autre monde, il existe plusieurs moyens. Le premier consiste en l’apparition d’animaux entièrement blancs qui servent de passerelle. Le second passage se trouve à portée de chevalier lorsqu’ils tombent sur des châteaux perdus dans la brume ou au centre d’une étendue d’eau par exemple.

Yseult "aux Blanches Mains", la femme de Tristan

Tristan aime Yseult la Blonde à s'en rendre fou, jusqu’au jour où un amour naissant l’emporte vers Yseult aux Blanches mains. Celle-ci est décrite comme étant "belle et bien". Elle ressemble en plusieurs points – outre le nom – à Yseult la Blonde, notamment en termes de blancheur et de comportement.

Malgré cela, c’est surtout le fait qu’elle porte le même nom que la femme du roi Marc qui fascine Tristan. Et s’il parvient à l’aimer, ce n’est que d’un amour humain (contrairement à l’amour magique grâce au philtre de l’autre Yseult) et cet amour semble moins fort.

Yseult aux Blanches Mains supporte au début les aléas du comportement de son mari, mais celle-ci finira par se venger car elle se sentira trahie par celui qui retourne toujours vers la nouvelle reine. Elle aussi jouera donc un rôle essentiel dans l’histoire de Tristan et Yseult la Blonde.

Pourquoi trois Yseult dans une seule et même histoire ?

Le fait qu’il y ait trois Yseult dans une seule et même histoire ne s’explique probablement que par des théories. Il faut savoir que la littérature du Moyen-Âge ne laisse que peu de place à la figure féminine. La plupart du temps, elles intègrent une partie de l’histoire héroïque du chevalier mais n’ont ni visage, ni nom. Ce sont des objets au service de l’aventure.

Dans Tristan et Yseult, la femme a donc un rôle particulièrement fort. La présence d’autant de femmes autour d’un seul héros est assez rare, d’où peut-être le jeu d’assimilation entre les différentes figures féminines de l’histoire. Qui plus est, cela permet de faire des trois femmes une seule et même unité présentant toutes les facettes de la féminité dans l’histoire de l’homme : elles deviennent la mère, l’amante, l’épouse et la femme qui enfante.

Enfin, elles représentent aussi à elles trois les trois Parques de la mythologie grecque. La première dirige la trame de l’existence (la mère avec son philtre d’amour qui celle les destins sans le savoir). La seconde propose la mort à la dernière Parques en faisant naître la jalousie et la dernière (Yseult aux Blanches Mains) coupe le fil de la vie de Tristan.

La construction d’un mythe autour du récit

Au Moyen-Âge, 95% de la population est analphabète. Toujours est-il, ils apprécient les histoires comme tout le monde, et particulièrement les mythes. Les auteurs de Tristan et Yseult ont su faire de leur récit un mythe ayant trouvé son public, ce qui a participé au succès de l’histoire d’amour encore aujourd’hui. D’ailleurs, d’autres éléments font de ce récit un texte particulièrement important dans l’histoire de la littérature.

La genèse de l’œuvre et ce qu’il en reste de nos jours

Rappelez-vous, nous sommes au Moyen-Âge et l’imprimerie n’existe pas encore. Les moines sachant écrire passent leurs journées à retranscrire les livres qu’ils ont entre leurs mains en ajoutant leur petite touche personnelle… Ainsi, ils sauvent l’histoire du livre recopié en lui offrant une chance de plus d’être conservé et s’amusent à développer leur propre style littéraire.

Tristan et Yseult ont subi le même sort. Aujourd’hui, il existe plusieurs versions du mythe, mais aucune d’entre elles n’est complète. Les deux manuscrits les plus complets sont ceux de Béroul et de Thomas. Il reste principalement du premier manuscrit le début de l’histoire et du second la fin. Cela permet d’avoir une vue d’ensemble de ce qu’aurait pu être l’histoire des deux amants malgré les différences entre les genres des deux auteurs.

Ces manuscrits sont ensuite complétés par des écrits sur certains passages du mythe. Certains écrits après, par "inspiration" et d’autres peut-être ne révèlent la retranscription que d’une partie de l’histoire pour le public ayant déjà connaissance de la grande partie de l’histoire. On retrouve dans ces manuscrits supplémentaires des pages entières sur la "folie de Tristan", séparé d’Yseult la Blonde ou encore les Lais du Chèvrefeuille de Marie de France, entre autres.

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Ces réécritures sont nombreuses et pas uniquement françaises. Il en existe d’autres à travers le monde entier, ce qui démontre bien le succès de ce mythe amoureux qui a façonné l’histoire de la littérature.

L’impact de Tristan et Yseult dans l’histoire de la littérature

Un rappel du mythe d’Adam et Eve

Ce nouveau mythe semble refléter celui d’Adam et Eve qui, dans le jardin d’Eden, ont consommé le fruit interdit. Le fruit devient le philtre et les deux couples sont alors victimes d’une fatalité. En revanche, Tristan et Yseult représentent, plus encore qu’Adam et Eve, l’innocence originelle puisqu’ils ont été manipulés sans avoir eu le choix ou non de consommer le philtre.

Cette "réécriture" est même encore plus chrétienne en un sens que l’histoire d’Adam et Eve car on écrit dans l’histoire que Dieu est du côté des amants tombés sous le joug du philtre d’amour. Ils sont enchaînés par une volonté extérieure à la leur et les auteurs comme les lecteurs font toujours preuve d’indulgence envers ces deux personnages.

Cela vient aussi de l’idée que les deux amants souffrent moralement et physiquement de cet attachement qu’ils ont l’un pour l’autre. Le philtre ne leur laisse pas le choix : ils risquent la folie voire la mort en cas de séparation et leur morale leur dicte de rester fidèles à leur roi.

Le récit brise les codes et amorce une tradition romanesque

Le rappel de ce mythe fondateur dans le catholicisme qui s’impose au Moyen-Âge ainsi que la fatalité qui a touché les deux amants a su toucher le public de l’époque. Ce récit a alors eu un fort impact sur l’histoire de la littérature.

En effet, le manuscrit s’affranchit de tous les codes de la société de l’époque. Il met même en scène les contraintes imposées par la société en présentant un amour contrarié et malheureux face au mariage forcé et au respect obligatoire envers son seigneur. Dans Tristan et Yseult, c’est tout l’arrière-plan social de l’époque qui est présenté, sans l’idéalisation attendue dans ce genre d’histoire.

Dès lors, s’il ne s’agit pas encore d’un roman, l’histoire de Tristan et de Yseult fascine et façonne les romans occidentaux qui suivront. Le récit faisait preuve d’une grande originalité pour l’époque puisque la femme avait une place importante dans l’histoire, mais pas seulement.

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