Mémoires de la forêt - Tome 1
Mémoires de la forêt : les souvenirs de Ferdinand Taupe est le premier tome d’une série de livres écrits par Mickaël Brun-Arnaud qui s’annoncent prometteurs. Certaines thématiques comme la maladie sont particulièrement difficiles à aborder avec les plus jeunes et, avec ce livre, l’auteur ayant déjà travaillé avec des patients touchés par l’Alzheimer offre un peu d’espoir et de poésie aux proches qui accompagnent les malades. Il réussit à faire de la maladie une belle promenade dans les souvenirs et vers un futur qui peut encore offrir de beaux moments de partage.
Mémoires de la forêt : les souvenirs de Ferdinand Taupe en résumé
Archibald Renard tient une librairie au sein du village de Bellécorce en plein milieu de la forêt. Devenir libraire comme son père avant lui et son grand-père était un rêve qu’il caressait depuis sa plus tendre jeunesse. Alors, chaque jour, il prend soin des livres – tous proposés en un exemplaire unique – parsemant les étalages de sa boutique. Chaque ouvrage révèle ainsi quelques secrets confiés par les habitants de la forêt, qu’ils soient grands ou petits.
Archibald Renard prend toujours garde à vendre les bons livres aux bonnes personnes. Toutefois, la venue de Ferdinand Taupe laisse, un jour, un grand trouble dans le cœur du libraire. En effet, la petite taupe cherche le livre qu’il a écrit par le passé : Les mémoires d’Outre-terre, mais toutes les recherches mènent à un événement survenu le jour précédent : un petit animal inconnu vient d’acheter l’ouvrage.
Ce petit épisode, classique dans une librairie, enclenche le début d’une longue aventure pour Maître Renard et son vieil ami la taupe. Ils partent à la recherche de ce livre qui contient tout le passé que la taupe oublie petit à petit depuis que la maladie de l’Oublie-tout s’en est prise à lui. En partant sur les traces de son passé, ce sont les souvenirs de sa douce et tendre Maude que Ferdinand la taupe pourchasse.
Évoquer la terrifiante maladie tout en poésie
Entre douceur du souvenir bienheureux et piqûre du présent qui disparaît, c’est avec une tendre poésie que l’auteur de ce livre raconte la maladie de l’Oublie-tout (l’Alzheimer pour les adultes plus terre à terre). Chaque moment de joie peut suivre un passage douloureux, lorsque le présent que l’on ne connaît pas s’introduit dans le passé qui semble pourtant être la seule réalité possible.
Ce roman exprime de la plus belle des manières l’une des réalités les plus effrayantes pour ceux qui sont touchés par la maladie, que ce soit en tant que patient ou en tant que proche. Il permettra également à de nombreux enfants de comprendre quel mal touche parfois leurs grands-parents. Par la même manière, les parents, s’ils accompagnent leurs enfants, pourront mettre des mots sur ce qui les fait souffrir et voir la maladie sous un nouveau jour.
Car oui, la maladie est douloureusement réelle et terrifiante : vivre dans le passé et ne pas comprendre le présent revient à une perte de repères et de contrôle que personne ne souhaite vivre. Toutefois, l’auteur ayant travaillé auprès des patients atteint par l’Oublie-tout, parvient à faire voir d’autres possibles dans la maladie et la recherche du passé. Ainsi, le regard de son proche devient toute une aventure. Et puis, si l’adulte doit renoncer aux tendresses de ses parents, il peut en revanche leur rendre tout l’amour qu’ils ont reçu en dispensant à leur tour les bons soins dispensés par ceux qui retombent en enfance.
Parler de la maladie oui, mais sans en oublier le plaisir de la lecture
En dehors de la beauté de l’histoire, ce serait dommage de ne pas parler de la qualité du livre proposé par Mickaël Brun-Arnaud et illustré par Sanoe. En effet, en termes d’écriture, l’auteur n’oublie pas de faire rire son lecteur par des moments d’étourderies et des jeux de mots assez amusants.
Le fait d'utiliser des animaux à la place d'êtres humains rend également l'histoire plus attachante et, de cette manière, l'auteur se place dans la continuité des fables anthropomorphes de la Fontaine et tant d'autres avant et après lui.
Certains personnages de l’histoire gagnent aussi en personnalité (alors même qu’ils ne sont pas tous développés) rien que par leurs noms. En effet, avec un cercle littéraire regroupant Horace le raton laveur, William le lièvre, Sidonie la musaraigne ou encore Edgar le cygne, on se doute que la joyeuse compagnie goûtera son plaisir de lecteur.
Quant aux illustrations, elles collent parfaitement à l’atmosphère du livre : entre douceur des couleurs pastelles, trouble de la perte et moments de convivialité, tout est assemblé pour que le lecteur passe un beau moment en compagnie de ces personnages qui semblent encore avoir beaucoup d’histoires à raconter. Il n’y a plus qu’à espérer que la suite des livres sera à la hauteur de ce premier tome. Personnellement, j’attends la suite avec impatience !
Citations
Il n'y a pas de plus belle aventure que celle qui se termine ; mais il est quand même très difficile de dire au revoir.
Accompagner quelqu'un atteint de la maladie de l'Oublie-tout, c'est accepter d'apprendre à prendre le temps ; celui de laisser faire même quand l'autre échoue - et jusqu'à ce qu'il n'y arrive plus, Ferdinand pèlerait lui-même ses pommes pour le goûter, c'était important -, prendre le temps de tout dire et montrer pour ne jamais surprendre - et quand Rousseau l'aiderait à nettoyer son museau, il le préviendrait pour ne pas l'effrayer -, prendre le temps d'expliquer sans jamais poser des questions auxquelles l'animal malade ne saurait répondre - et lorsqu'il réveillerait Ferdinand, il lui dirait qu'aujourd'hui nous étions jeudi, jour de vivisite à son ami livraire -, et non, il ne lui demanderait pas de se souvenir du nom de celui-ci. Rousseau allait avoir ce courage d'apprendre à prendre le temps, par amour et par compréhension.
- Mickaël BRUN-ARNAUD, Mémoires de la forêt : les souvenirs de Ferdinand Taupe, Ecole des loisirs, 2022
- Jean de LA FONTAINE, Fables, Gallimard, 2000