Lire la poésie d’Arthur Rimbaud

Pour ceux qui voudraient s’aventurer dans la lecture des poèmes d’Arthur Rimbaud, je leur souhaite bon courage ! En effet, bien qu’il s’agisse d’un poète très important pour l’histoire de la littérature, peu d’enseignants parviennent à le faire étudier (en dehors de l’étude de quelques poèmes phare) à leurs élèves, ce qui accentue le mysticisme autour de ce poète « qu’on ne présente plus ». La réalité est peut-être toute autre : Arthur Rimbaud est un auteur insaisissable dont la poésie demeure vectrice d’un sens encore assez mystérieux.

Une saison en enfer : premier et seul recueil abouti

Rendre sa liberté au mot et chercher le véritable sens

Le seul recueil de poésie vraiment pensé de bout en bout par le jeune poète est Une saison en enfer publié à compte d’auteur. C’est aussi sûrement le plus aisé à lire car le sens n’est pas encore totalement déconstruit – ou en tout cas décomposé – dans les vers libres de cet ouvrage.

Une saison en enfer à cela de particulier qu’il ne faut pas toujours chercher le sens au mot près. Chaque nom utilisé à son sens propre, il n’a pas besoin du reste de la phrase pour exister. Rimbaud tente ainsi de donner au mot toute sa puissance : c’est là sa quête de la vraie vie.

Cependant, ce recueil ne suffira pas à satisfaire sa recherche d’une poétique nouvelle. Et si le poète estime qu’il est tout de même digne d’être publié, il ne parviendra jamais à trouver cette langue qui lui échappe, celle qui donne le sens comme le silence, celle d’un voyant qui saurait transmettre son message.

La part autobiographique dans le recueil

Les poésies qui composent ce recueil ont été écrites après le coup de revolver porté par Verlaine sur Rimbaud. Cela explique en partie l’écriture tourmentée de ce recueil qui ne saurait faire fi de cet événement particulièrement important dans la vie de Rimbaud.

Cette part autobiographique demeure mise en scène sous la forme d’une autofiction. Il faut savoir que pour Arthur Rimbaud, la vie ne pouvait pas se séparer de l’écriture poétique. En écrivant, il cherchait la vraie vie, le vrai sens de son histoire.

Ce recueil de poésie offre d’ailleurs au lecteur une sorte de narration : nous suivons un narrateur qui s’assimile lui-même au poète comme le poète se mélange au narrateur. Ceux-ci racontent leurs mésaventures, leurs folies et leurs coups d’amour avec Verlaine qu’on peut imaginer sous les traits de "la vierge folle". Mais attention toujours car selon Rimbaud, "Je est un autre".

Illuminations – un recueil poétique plus abstrait

Genèse de l’œuvre pour une publication inconnue de l’auteur

L’histoire de ce recueil de poésie est plus incertaine. La composition même de l’œuvre laisse encore perplexes les spécialistes de notre époque. En effet, si Rimbaud était à l’origine de la publication d’Une saison en enfer, Illuminations est quant à lui un reste des fragments poétiques transmis par Rimbaud à Verlaine et à d’autres auteurs.

Dès lors, aucune certitude n’est donnée sur l’organisation des poèmes à l’intérieur de l’ouvrage. Tout ce que nous savons, c’est qu’une partie des poèmes ont probablement été écrits avant Une saison en enfer et une autre partie après.

Le titre lui-même n’est pas sûr à 100% bien que la majorité des spécialistes conçoivent plus facilement aujourd’hui que ce soit le choix de l’auteur. En effet, il aurait été trouvé sur la page de garde du manuscrit confié à un auteur ami de Rimbaud. Cette page si importante se trouve mentionnée dans la correspondance de l’auteur en question, mais la véritable page semble avoir disparu.

Le sujet poétique de Rimbaud

En ce qui concerne l’écriture poétique même de l’ouvrage, le sens de cette œuvre semble inépuisable et toujours sujet à discussion. En effet, il est difficile d’approcher cette poésie en vers libres saccadés, dont le rythme se brise comme le ferait une vague s’écrasant sur un rocher perdu en pleine mer.

Il va de soi pour tous qu’une part autobiographique se trouve toujours dans cette œuvre, mais elle ne peut pas être réduite à cela. Son questionnement sur la religion perdure toujours par exemple. Malgré tout, certains passages semblent incohérents si on souhaite tout rapporter à une notion autobiographique.

L’échec d’une poétique apportant le silence

J’ai essayé d’inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues. J’ai cru acquérir des pouvoirs surnaturels. Eh bien ! je dois enterrer mon imagination et mes souvenirs ! Une belle gloire d’artiste et de conteur emportée !
Une saison en enfer, Arthur Rimbaud

Plus que soi, Rimbaud tente probablement, avec les Illuminations, d’atteindre une poétique nouvelle qui le propulserait vers le statut de voyant. Cette quête poétique traversait déjà toute Une saison en enfer. Elle se poursuit dans ce recueil qui n’est en réalité qu’un composé de fragments abandonnés par leur auteur qui, ayant renoncé à la poésie et à l’illumination poétique absolue, n’a pas pensé jusqu’au bout à sa construction.

Car pour Rimbaud, la poésie était aussi un ouvrage de main et il ne supportait pas cette idée de travailler. Et s’il n’a pas atteint cette écriture transcendante, alors la poésie n’a plus de sens pour lui. Pour lui, la poésie devait aussi être le silence. Et ce silence, il l’a peut-être mieux atteint qu’il n’aurait jamais pu le penser puisqu’aujourd’hui, il est connu et reconnu, mais sa poésie est souvent tue des enseignants alors même qu’il représente la poésie dans l’imaginaire des lecteurs et de ceux qui n’ont jamais ouvert un livre (ou presque !).

Si ce livre vous intéresse :

Sinon...