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    18 avril 2023

    Mille femmes blanches de Jim Fergus

    Mille femmes blanches de Jim Fergus

    Mille femmes blanches est le premier roman d’une trilogie écrite par Jim Fergus. Traitant d’un échange entre les Blancs et les Indiens, le livre explore les plaines indiennes et le rapport entre les Blancs et les Indiens sur les terres américaines. Ce roman, accueilli avec enthousiasme par la critique littéraire, séduit par son ambiance et entre dans le vif des conflits territoriaux entre deux peuples dont les modes de vies sont si différents.

    Résumé de Mille femmes blanches

    Nous sommes en 1875 à Chicago. May Dodd, la narratrice de cette histoire, a été enlevée en pleine nuit de chez elle et envoyée dans un hôpital psychiatrique par sa famille. Son seul tort : avoir eu deux beaux enfants hors mariage. Sa seule alternative pour sortir de cette "maison de santé" où elle subit des traitements atroces est de faire partie du plan FBI du gouvernement. FBI pour "femmes blanches pour les Indiens".

    En effet, le chef des Cheyennes du nord à proposer d’échanger mille chevaux contre mille femmes blanches afin qu’elles leur fassent des enfants. Ainsi, Little Wolf espère que les enfants seront intégrés aux deux cultures et qu’ils les lieront tous ensemble pour mettre fin aux combats entre les deux peuples. May et d’autres femmes blanches deviennent le premier convoi de ce projet gardé secret.

    Elle nous raconte alors son intégration, les mœurs et les coutumes cheyennes ainsi que la beauté du paysage dans lequel elle évolue. Toutefois, le gouvernement abandonne les femmes blanches envoyées chez les Indiens en décidant de reprendre cette zone qu’ils avaient donnée à ces hommes. La raison de cette décision ? la cupidité humaine. May Dodd raconte ainsi le combat des Indiens pour conserver leur liberté ainsi que leur mode de vie, ainsi que la façon dont l’homme blanc reprend ce qui ne lui appartient plus.

    Raconter les Cheyennes et leur territoire

    Certains de mes plus beaux moments de lecture demeurent dans la description des paysages et la découverte d’un peuple dont les règles sont tellement simples et inaliénables qu’on ne peut pas les contredire. Nous découvrons ainsi un peuple "sauvage" qui pourtant semble plus humain que les blancs sur de nombreux points ainsi que leur conception de la vie, de la nature et de la liberté.

    À la rencontre des Cheyennes du nord

    L’un des points principaux de ce livre consiste donc en la découverte de ce peuple, massacré à travers l’histoire et dont il ne reste presque plus rien. Ces femmes blanches amenées dans les camps mettent forcément du temps à comprendre la langue qui paraît faite de sons primitifs, ces tipis rustiques et les traditions de vie des Indiens.

    Toutefois, nous découvrons également un peuple doux qui accepte facilement les nouveaux membres de la tribu. Ils vivent près de la nature et cela explique leur mode de vie très dur et pourtant, plus proche de la liberté qu’aucun autre peuple des Etats-Unis. Les animaux sont tués seulement pour l’alimentation et non pour le plaisir de la chasse, la nature est respectée et ils cueillent ce qu’ils trouvent, ils font subir peu de transformations à la terre qui les entoure et surtout : ils veillent les uns sur les autres sans aucune discrimination.

    Le peuple cheyenne respecte d’ailleurs une hiérarchie très simple : les plus riches sont les meilleurs chasseurs et chaque père de famille doit subvenir aux besoins des siens. S’il est trop mauvais chasseur, les meilleurs chasseurs soutiennent tout de même ces pauvres en leur offrant ce qu’ils ont. C’est donc également un peuple généreux.

    Le peuple Indien n’est pas pour autant idéalisé

    Le peuple Indien n’est pas pour autant idéalisé. Comme les autres peuples, ils se font la guerre entre eux et ont des pratiques déroutantes. Par exemple, le scalp et le besoin de faire la guerre pour des ressources non nécessaires sont aussi montrés. En un sens, c’est la quête de la richesse à la mode indienne qui l’emporte aussi dans l’envie de combattre.

    Les pratiques telles que le viol lors du vol des femmes des autres tribus est aussi montré. Ce n’est pas qu’une légende et les femmes cheyennes comme toutes les autres tribus des Indiens d’Amérique savent qu’il ne vaut mieux pas se faire attraper par une tribu adverse. D’autres atrocités sont aussi décrites, qu’il ne semble pas nécessaire de révéler ici, puisqu’elles sont essentielles à l’intrigue sur la fin du roman. Ce n’est donc pas une idéalisation d’un peuple, mais un hommage envers ces gens exterminés et chassés de leurs terres alors qu’ils ne souhaitaient que la liberté et vivre en paix dans leur coin.

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    Mettre en avant le comportement désastreux du peuple blanc envers le peuple Indien

    Mille femmes blanches utilise également la fiction pour raconter les ravages qu’ont causés les blancs dans les peuples Indiens. Outre les massacres récurrents et le vol de leurs terres pour des raisons de cupidités (de l’or ayant été trouvé sur ces terres), l’homme blanc se croit au-dessus du peuple Indien, bon colonisateur qu’il a été. Ainsi, il pense que ses mœurs et ses manières sont plus proches de Dieu et de la bonne civilisation. Alors, Jim Fergus tente de montrer que les Cheyennes vivent dans la simplicité la plus pure qui soit. Cette fausse supériorité est parfaitement illustrée lorsque nous découvrons les agissements du pasteur Hare.

    Autrement que par les massacres, les blancs ont également introduit l’alcool chez ces peuples qui le supporte très mal, notamment le Whiskey. L’auteur propose une scène très parlante à ce sujet. Les femmes se révoltent alors très vite en voyant la violence engendrée par cet alcool, mais elles comprennent également que les blancs y sont pour quelque chose. Et en effet, la réalité historique montre bien que l’alcool a été un très bon moyen d’extermination pour le peuple Indien. D’ailleurs, c’est un problème qui touche encore en masse les Indiens aujourd’hui. Tommy Orange dans Ici n’est plus ici rapporte avec justesse un témoignage actuel de ces ravages.

    Rentrée 2020 : Betty de Tiffany McDaniel - Culture Livresque
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    Parlons narration : un journal intime et des personnages stéréotypés

    Un journal intime destiné aux enfants de May

    Le récit se présente sous la forme d’un journal intime rédigé par May a destination de ses enfants. Elle en commence la rédaction dès son départ de l’asile et en profite pour présenter ses compagnes de voyage. Ainsi, elle parle à la fois de ses émotions, de sa façon de penser et décrit le monde qui l’entoure également à la manière d’une exploratrice. Elle reporte les croyances, les mœurs et les sauvageries des uns et des autres.

    S’insèrent également dans ses journaux quelques passages dialogués, ce qui rend vivant l’histoire. D’ailleurs, les carnets reprennent des personnages ayant existé (et rendus fictionnels évidemment) ainsi que des événements ayant vraiment eu lieu. L’auteur prend donc pour support l’histoire vraie pour créer une fiction qui semble parfois réelle. Nombreux sont ceux qui ont cru que le programme Femmes blanches pour les Indiens a véritablement existé. Le trouble laissé chez certains individus semble bien montrer que l’auteur a écrit de manière très ingénieuse. Il nous pousse d’ailleurs à faire des recherches afin de savoir ce que May, personnage fictif, aurait pu vivre si elle avait véritablement existé.

    Des personnages stéréotypés pour faire le tableau d’une société

    Enfin, parlons des personnages en eux-mêmes dans ce livre phénomène. Les personnages dans Mille femmes blanches, disons même plutôt les femmes décrites dans l’histoire ressemblent plutôt à des stéréotypes représentant diverses classes de la société plutôt que des personnages complexes. Cette décision d’utiliser des stéréotypes prend du sens car nous comprenons très vite que toutes les couches de la société sont concernées par ce plan FBI. Chaque lecteur comprend ainsi très vite à quel genre de personnage il a affaire et peut se reconnaître dans certains profils.

    Toutefois, cela apporte aussi quelques points un peu moins positifs. En effet, May, le personnage principal qui nous raconte son aventure à travers ses carnets de voyages, à la façon d’un journal intime, semble moins réelle. Elle semble être l’héroïne parfaite pour qui tout va de soi et qui reçoit toujours le meilleur traitement. On devine alors très vite son histoire et il demeure peu de suspens sur ce qui pourrait lui arriver.

    Voici quelques-uns des stéréotypes qu’on retrouve dans le livre :

    • May, la femme forte de caractère qui a lutté contre les mœurs de sa famille et de la religion au nom de l’amour ;
    • Euphémie, la femme noire, ancienne esclave qui s’épanouit chez les Cheyennes car elle est enfin libre ;
    • Helen qui représente la bourgeoisie dérangeante également car elle est homosexuelle ;
    • Narcissa, fervente religieuse qui veut répandre la bonne parole ;
    • Daisy, la bonne bourgeoise qui est pour l’esclavage ;
    • Gretchen, la femme de chambre un peu rude, mais très gentille ;
    • Les sœurs Kelly, filles de la rue qui se sont débrouillées comme elles ont pu, etc.

    Finalement, je recommande sans l’ombre d’une hésitation ce livre, bien qu’il paraisse parfois un peu trop prévisible. Pourquoi me direz-vous ? Simplement parce qu’il y a des fins qui font oublier les défauts du livre et qui nous bouleverse au plus profond de nos cœurs. Si le personnage de May et l’effet "stéréotype" vous agace un peu, concentrez-vous sur ce qui vous plaît, et je suis certaine que la fin fera le reste du travail.

    Citations

    Ce que nous risquons de créer en brouillant les frontières raciales, divines et naturelles, est un peuple à la dérive, dépossédé de lui-même, sans identité et sans but, en d’autres termes ni chair ni poisson, ni indien ni caucasien.
    Si l’enfer est sur terre, j’ai bien cru cette nuit parcourir ses labyrinthes en m’enfonçant une nouvelle fois dans le camp. Quelques danseurs titubaient encore à la lumière vacillante des feux presque éteints. D’autres, effondrés à côté, formaient un enchevêtrement de corps ; certains tentaient difficilement de se relever. Leurs compagnons gémissaient péniblement. Des hordes de sauvages ivres morts me bousculaient tandis que j’essayais de me frayer un chemin entre eux.
    Ouais, faut toujours qu’on aille mettre le nez là où on n’a rien à faire, admit Gertie. Et c’est ça qui est bien, d’ailleurs, chez les Indiens, je parle de la façon dont ils vivent, ici tu passes pas ton temps à te demander si tu es heureux ou pas. D’ailleurs, à mon avis, cette histoire de bonheur est une invention ridicule des Blancs à laquelle on attache trop d’importance.

    Si ce livre vous intéresse :
    Sinon...
    Ici n’est plus ici, Tommy Orange - Culture Livresque
    Nous avons organisé des pow-wows parce que nous avions besoin d’un lieu de rassemblement. [...] Nous continuons à faire des pow-wows parce qu’il n’y a pas tant de lieux que cela où nous...
    // lastname: Fergus // firstname: Jim // title: Mille femmes blanches