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    11 janvier 2022

    Voyage au centre de la Terre, Jules Verne

    Voyage au centre de la Terre, Jules Verne

    Voyage au centre de la Terre est un roman d’aventures écrit en 1864 par Jules Verne. Il intègre les romans de la série des "Voyages extraordinaires" avec d’autres de ses grandes œuvres. Si Jules Verne aime particulièrement mêler la science à l’imaginaire, c’est dans Voyage au centre de la Terre qu’il semble prendre le plus de libertés scientifiques. Il fait de ce roman la découverte d’un monde disparu et insoupçonné qui pourrait être une avancée incroyable. Il convient alors d’analyser comment Jules Verne parvient à mêler le scientifiquement correct (de son époque) au fictionnel, tout en laissant place à un roman d’initiation.

    Voyage au centre de la Terre : entre science et fiction

    Dans ce roman, la science et la fiction ne sont pas incompatibles. Toutefois, ils vivent séparément. En effet, la première partie de l’œuvre est dédiée à la science alors que la seconde touche plutôt au fantastique.

    Première partie du roman dédiée à la science

    La première partie de ce récit s'étend jusqu’à la découverte de la mer intérieure. Les outils sont omniprésents et les personnages s’intéressent à tout type de sciences en descendant dans les profondeurs du cratère. La cryptologie et la géologie bercent leur voyage, jusqu’à laisser la place à des notions de minéralogie et de botanique.

    Le vocabulaire utilisé montre l’expertise des personnages et le travail de Jules Vernes quant aux notions scientifiques qu’il a dû acquérir pour écrire son œuvre. Cette partie permet également d’ancrer le lecteur dans une notion de réel. Face à tant de savoir et d’investigation, le lecteur ne peut que croire ce que raconte le narrateur et accorde sa confiance à l’auteur pour la suite de l’œuvre.

    Dans la deuxième partie, certaines notions scientifiques sont reprises pour ne pas perdre complètement le public dans l’imaginaire. Le lecteur découvre alors avec les explorateurs un monde où les dinosaures ont survécu et la science devient de la paléontologie. Jules Vernes offre alors le tableau d’un monde disparu au lecteur sans que cela ne se produise dans la réalité qu’il connaît. Il développe un cadre propice à l’apparition de ces animaux fantastiques mais réels qui intéressent tant les lecteurs du XIXe siècle.

    La seconde partie laisse place au fantastique et à la rêverie

    Pourtant, cette deuxième partie de l’œuvre devrait faire des sceptiques. En effet, Jules Vernes ayant bien exploité des données scientifiques, décide maintenant de laisser place à son imaginaire. Il déploie des images fantastiques et la rêverie prend nos personnages. Ce moment où la rêverie prend le dessus intervient après les premiers drames qu’ont connus nos explorateurs. Tout ce qui se déroule sous le signe de l’imaginaire arrive en effet après la première période de folie du narrateur, après s’être perdu dans le noir complet.

    D’ailleurs, les premières grandes découvertes comme la mer intérieure arrivent après une chute grave d’Axel qui s’est blessé à la tête. Cela permet à Jules Verne de marquer la rupture avec la partie plus scientifique de son œuvre. N’oublions pas non que Voyage au centre de la Terre intègre les ouvrages de la série des voyages extraordinaires et doit donc porter son nom. Il n’y a alors rien d’étonnant à trouver des scènes qui sortent des vérités scientifiques.

    Ce roman prend également une dimension mythologique, hors du commun. Les explorateurs prennent une dimension héroïque et sont confrontés à des quêtes pendant leurs aventures. Ainsi, Axel est perdu dans le cratère du volcan comme Thésée s’est perdu dans le labyrinthe retenant le minotaure. Comme lui, le fil le reliant à la sortie s’est brisé. Ici, le fil est alors la rivière artificielle créée par un personnage qui fait partie de l’histoire en étant tout de même extérieur : Ariane est remplacée par Hans.

    Sur la mer, il sera également pris d’hallucinations comme si les sirènes l’appelaient. Et si le lecteur doute encore de la dimension mythologique du roman, il pourra s’amuser à retrouver toutes les références qui sont faites à des héros et des dieux bien connus. Entre autres, il retrouvera Odin, Proserpine, etc.

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    Écrire un roman initiatique qui ramène le héros à la réalité

    Le véritable héros, sous l’acception du courage et de la hardiesse, semble être l’oncle Lidenbrock. Pourtant, c’est Axel qui profitera de la progression attendue d’un personnage dans le roman.

    Un héros qui sait s’entourer pour être guidé

    Le narrateur devient celui qui traverse les épreuves et réussi avec brio son parcours initiatique. Sous ce regard, Lidenbrock n’est plus qu’un guide scientifique et obstiné qui permet à Axel de progresser dans sa quête métaphysique et le pousse à faire les choses malgré ses peurs. D’ailleurs, il n’est pas certain qu’Axel soit parvenu à réaliser toute cette progression sans les deux figures accompagnatrices chez qui il a trouvé un soutien sans faille.

    En effet, il semble sur le point de sombrer dans la folie à deux reprises : la première lorsqu’il est perdu dans la grotte et la seconde quand il est touché par des hallucinations sur la mer intérieure. Ces deux guides le ramèneront alors à la réalité du monde et ce sont eux qui le guideront jusqu’à la sortie de cette grotte infinie. Axel n’hésite pas d’ailleurs à rappeler qu’à de nombreuses reprises, il n’a tenu bon que par le soutien sans faille de Hans qui le tenait fermement.

    Puissance des images de Jules Verne : le volcan comme symbole mythologique

    Malgré tout, pour achever cette initiation, nous pouvons nous pencher un peu plus sur la sortie de la grotte par le volcan Stromboli situé en Sicile. Si l’entrée dans le monde souterrain se fait par le biais d’un volcan éteint, où le personnage peut se sentir en sécurité et sous la tutelle de la sagesse, il en sort par un volcan voisin de l’Etna. Cette image s’imprègne alors immédiatement d’une dimension mythologique très forte.

    En effet, Axel sort du ventre de la terre par le cratère du volcan, mystérieux et chaud et rappelle immédiatement la sortie du ventre de la mère. Nous assistons là à la renaissance d’Axel qui grandit et devient un homme. En utilisant cette image forte, Axel se hisse légèrement vers le monde mythique des héros qui s’accomplissent en bravant tous les dangers. Il devient aussi fort que le volcan.

    Cette dimension mythologique est d’ailleurs perçue par les personnages eux-mêmes. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils décident de ne pas parler au petit sicilien de leur sortie des profondeurs de la terre par le cratère éveillé du volcan Stromboli. Ils ont conscience de l’importance culturelle de ce lieu et ont peur qu’on les prenne pour des diables qui s’échappent des Enfers.

    Le héros n’est pas en quête d’héroïsme mais de maturité

    Toutefois, l’initiation qu’il traverse n’a donc pas pour objectif d’en faire un héros au sens mythologique du terme. Il ne sera pas récompensé pour son aventure par les applaudissements généraux et les acclamations de la foule. Jules Verne n’attend pas de son personnage qu’il réalise des exploits chevaleresques, mais plutôt qu’il devienne adulte. Il s’initie également intellectuellement parlant et comprend enfin que contredire son oncle dès qu’il n’est pas d’accord avec lui n’a aucun sens.

    Et s’il ne devient pas un héros, puisqu’il ne restera toujours que le neveu d’un grand explorateur à la sortie de la grotte, cela lui convient très bien. Ce qu’il gagne en échange avait plus d’importance à ses yeux que la gloire : il épouse enfin Graüben, celle qu’il aimait avant l’aventure qui a fait de lui un homme. Il s’abstrait ainsi définitivement de l’emprise de son oncle, ce père de substitution qui voulait que tout reste à lui.

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    Divergence de pensées scientifiques : critique des informations offertes par Jules Vernes

    Enfin, cette initiation au monde des adultes par Axel et le fait d’en faire le narrateur de l’histoire permet à Jules Vernes de se détacher des critiques qui pourraient être liées à la véracité des pensées scientifiques qu’il avance.

    Se mettre à distance des critiques tout en offrant des plaisirs scientifiques

    En effet, ce livre reste avant tout un roman et Jules Vernes souhaite plaire au public en lui offrant un voyage extraordinaire tout en lui procurant des informations sur les sciences qui l’intéressent. Malgré tout, la partie fantastique du roman prend nettement le dessus sur le reste de l’œuvre et Jules Vernes s’éloigne de la rationalité scientifique.

    Toutefois, Jules Vernes offre au lecteur des outils pour mettre à distance ce qui est réellement scientifique de ce qui l’est moins. En effet, Lidenbrock est le grand héros romanesque qui est souvent attendu dans les romans chevaleresques et mythologiques. Pourtant, c’est Axel, son neveu moins aventurier, qui raconte l’histoire. Les deux hommes ont d’ailleurs de nombreuses divergences de pensées scientifiques.

    Ainsi, en offrant à Axel le récit de cette histoire, Jules Verne incite le lecteur à apporter plus de crédit à ce que raconte le jeune homme que l’oncle ambitieux. Portée par Axel, l’histoire s’ancre à nouveau dans le réel puisqu’il est celui qui n’hésite pas à avouer sa peur de la mort, ses pensées dirigées vers son amoureuse et ses défaillances. Son oncle, lui, est tellement aveuglé par son aventure et la science qu’il perd le recul nécessaire pour analyser réellement ce qu’il voit. Il ne reste que ce bibliomane plutôt que le bibliophile scientifique qu’il aimerait être.

    Un narrateur qui prend le temps d’analyser son aventure

    D’ailleurs, Axel n’adhère jamais aux conceptions de son oncle à propos du centre de la Terre. Les réfutations d’Axel et ses réticences se font sentir dès le début de l’œuvre mais plus fortement encore lors des effets non logiques qui arrivent. Il n’hésite pas non plus, au cours de son récit à dire ceci : "Nos sens ont été abusés, nos yeux n’ont pas vu ce qu’ils voyaient !". Il fait ainsi peser un soupçon de mirage sur la réalité de leur voyage.

    Axel remet donc constamment son aventure en cause et, par ce moyen, l’auteur ne fait pas de cette aventure une découverte scientifique complète. D’ailleurs, comment qualifier cette expédition de découverte du centre de la Terre lorsque les personnages ne sont pas parvenus à franchir ce centre ? D’autres indices laissent penser que la théorie d’Axel, qui est celle des nombreux scientifiques de l’époque, serait la bonne. En effet, plus ils s’éloignent du fantastique de la grotte, plus la chaleur monte, ce qui laisse penser au lecteur que le centre de la Terre pourrait bien être la source infinie de chaleur imaginée par le héros à la base.

    C’est également Axel qui découvre le secret de la boussole : il y avait une explication scientifique à laquelle son oncle n’avait pas pensé avant. En effet, si le nord et le sud ont été inversés, c’est simplement par un phénomène électrique qui a déréglé ce repère essentiel aux héros. Ainsi, Jules Verne sous-entend, en terminant par cette ultime révélation, qu’il pourrait aussi y avoir un phénomène scientifique à l’origine de cette aventure étrange qu’ont vécue les héros et qui serait en dehors du champ de rationalité de son oncle. Qui plus est, si l’oncle raconte son voyage et défend son point de vue, nous n’entendons pas parler d’autres expéditions menées dans ce monde souterrain.


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